Au printemps des Arts de Monte-Carlo
Le Printemps des Arts est une des manifestations les plus appréciées du public monégasque. Cette année le directeur artistique Bruno Mantovani renoue avec l'objectif initial du Festival, notamment la pluridisciplinarité des expressions artistiques: musique, ballet, cinéma, poésie et peinture.
On célèbre cette année le centenaire de la naissance de Pierre Boulez qui a présenté sa musique à plusieurs reprises au Printemps des Arts. Il convient donc parfaitement à la thématique de cette édition.
Bruno Mantovani ne consacre étonnamment qu'un seul concert à sa musique, qu'il dirigera avec son Ensemble Orchestral Contemporain au Théâtre National de Nice. Le concert aura lieu le 26 mars, le jour précis du centenaire. Mantovani réfère brosser un portrait de Boulez par le prisme de ses goûts, de ses influences, de ses filiations, de son répertoire en tant que chef-d 'orchestre et de sa relation aux artistes qu'il admirait.
L'affiche du Printemps des Arts présente cette année une toile de Francis Bacon.Boulez appréciait l'œuvre du peintre Francis Bacon, il l'avait rencontré et avait acquis une lithographie du célèbre tableau Etude pour Portrait du pape Innocent X, d'après Velasquez.
Bacon a vécu pendant plusieurs années à Monaco et y a peint certaines de ses œuvres les plus réputées. Il y a à Monaco une fondation très importante la Francis Bacon MB Art Foundation qui est un centre de recherche et qui couvre l'entièreté de l'œuvre du peintre.
A l'occasion du Festival, la Fondation a ouvert ses portes au public du Printemps des Arts. Visite et déambulation musicale sur réservation uniquement, les places étant limitées.
Nous avons eu le privilège de découvrir toutes les facettes de l'œuvre de Bacon grâce aux commentaires exceptionnels de Cécilia Auber (guide de la Fondation). La violoniste japonaise Aya Kono interprète Anthèmes de Pierre Boulez et Sequenza VIII de Luciano Berio, tous deux nés il y a cent ans.
Anthèmes date de 1991 et a été commandé par le célèbre violoniste Yehudi Menuhin, ami de Boulez, pour un concours. L'interprétation d'Aya Kono est captivante et le public suit chaque note avec la plus grande attention. La Sequenza VIII de Luciano Berio termine la visite. Aya Kono joue avec une précision focalisée au laser, et alterne parfaitement l'équilibre entre un dynamisme passionnément frénétique et un calme intense selon les besoins. Berio qui a pratiqué enfant le violon, pousse aux limites les capacités techniques du violoniste. Il rend hommage autant à Paganini qu'à Bach, avec un rappel à sa merveilleuse Chaconne. L'œil et l'oreille sont comblés.
Le concert du dimanche se déroule au Théâtre Princesse Grace affiche. L'ambiance pour ce concert de musique de chambre est rehaussée par une scène décorée de bougies, qui rappelle les concerts donnés au XVIIIème siècle. Les bougies sont électriques pour des raisons de sécurité et d'écologie.
Au programme le Quatuor n°16 de Beethoven et La Nuit transfigurée de Schönberg. Bruno Mantovani introduit les concerts avec aisance en donnant des commentaires brefs et très imagés, dans un langage simple et accessible à tous.
Il attire l'attention qu'il y a dans ce dernier quatuor de Beethoven une quantité énorme de thèmes qu'on n'arrive pas à retenir et à chanter, tant ils sont différents.
Le public est envoûté par le jeune Quatuor Akilone composé de quatre musiciennes exceptionnelles. Dans le mouvement lent, un des moments les plus sublimes de la musique de Beethoven, elles arrachent les larmes.
En seconde partie deux merveilleux musiciens, solistes et chambristes accomplis, le violoncelliste Henri Demarquette et l'altiste Sindy Mohamed se joignent au Quatuor Akilone pour le chef-d'œuvre du jeune Arnold Schönberg, le sextuor à cordes La Nuit Transfigurée. La partition se fonde sur une poésie poignante de Richard Dehmel. C'est le comédien Anthony Rossi qui récite le poème riche et complexe, qui explore les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et de la transformation personnelle.
L'œuvre de Schönberg est un voyage émotionnel et spirituel. Composée en 1899 c'est une des dernières œuvres romantiques faisant référence aux sextuors à cordes de Brahms, à Wagner, à Mahler et à Richard Strauss. L'interprétation des Akilone et de Demarquette et Mohamed est intense, tendue, puissante, tendre et brutale à la fois.
Monte-Carlo, Francis Bacon MB Art Foundation et Théâtre Princesse Grace, Monte-Carlo, 13 et 16 mars 2025
Crédits photographiques : Printemps des Arts de Monte-Carlo