Baroque instrumental autrichien avec un séducteur Clemencic Consort
Heinrich Franz Ignaz von Biber (1644-1704) : A Due no 1 en ut majeur, no 2 en ut majeur, no 3 en sol mineur, no 4 en ut majeur, no 5 en mi mineur, no 6 en fa majeur, no 10 ; Sonates no 7 en ut majeur, no 10 en sol mineur [Sonatæ tam aris quam aulis servientes]. Balletti a 6. Mensa sonora seu Musica instrumentalis, Pars IV. Harmonia Artificioso-Ariosa, Partia IV, Partia VI. Johann Joseph Fux (1660-1741) : Ouvertures à 4 [Concentus Musico instrumentalis III & IV] ; Canzon à 3 K 329. Parthia Trio en mi majeur E 64. Partita à 3 en sol mineur K 320. Synfonia à 3 en ut majeur K 331. Clemencic Consort, René Clemencic, orgue positif, clavecin. Hiro Kurosaki, Ilia Korol, violon. Ursula Kortschek, alto. Claudio Ronco, violoncelle. Andreas Lackner, Herbert Walser, trompette. Istvan Kertesz, Herwig Neugebauer, violon (Fux). Mai 2004, réédition 2022. Livret en anglais, allemand. Digipack 2 CDs TT 69’13 + 60’10. Oehms OC1904
Ce digipack regroupe logiquement deux albums enregistrés en 2004, alors parus séparément, et voués à la musique instrumentale de deux éminents représentants du Baroque autrichien, rayonnant depuis Salzbourg (Biber) et Vienne (Fux). Le premier disque déploie un éventail de sonates, suites et pièces d’Heinrich Biber, notamment tirées du recueil Sonatæ tam aris quam aulis servientes (1676), qui convient tant à la table qu’à l’autel, comme l’indique son titre précisant une vocation entre le sacré et le profane. Voici non une intégrale des douze sonates, mais deux d’entre-elles, assorties de sept duos pour trompette qui figurent aussi dans ce recueil (pages 152 et suivantes dans l’édition d’Erich Schenk). Précisons que la page 2 de la notice sème le désordre dans le contenu et le minutage des plages 2 à 21. Les plages 2-13 présentent des titres exacts mais correspondent en fait aux Balletti. Les plages 15-21 correspondent à la Pars IV de la Mensa Sonora (outre qu’il ne s’agit pas d’une sonate, les titres annoncés s’amalgament à la Pars VI, absente du disque !!!). Les véritables intitulés sont en fait Sonata, Allamanda, Courante, Balletto, Sarabanda, Gigue, Sonatina. Incompréhensible et blâmable laxisme éditorial…
Pour l’intégrale des Sonatæ de 1676, le Rare Fruits Council de Manfredo Kraemer (Astrée, août 1997) avançait un continuo plus étoffé, avec harpe et théorbe. De même que le Parley of Instruments (Hyperion mai 1983) qui incluait contrebasse en doublure, une combinaison de cordes pincées dont virginal, et même timbales pour les deux sonates a otto. Le programme ne retient ici que deux sonates, a cinque, au demeurant servies avec tout le brio et la chaleur requis, tout comme Balletti et l’extrait de la Mensa Sonora, pour laquelle on n’oublie pas le magnifique témoignage de Reinhard Goebel chez Archiv Produktion. Les pièces avec trompettes apparaissent particulièrement rutilantes, et superbement captées.
Le CD 2 consacré au Kapellmeister de la Cour de Vienne propose un autre séduisant éventaire. Deux Suites du Concentus Musico instrumentalis dans le goût français (et dans le respect du rythme pointé dans les Grave), trois Partitas de sensibilité italienne, la Synfonia et ses excentriques turqueries (irrésistibles pizzicati dans la Janitschara plage 23 !). Là encore, l’interprétation fait son miel dans ces chaleureuses ruches : les pulpeux archets épanchent une grasse palette valorisée par une opulente prise de son. On se rappelle avec émotion les truculents vinyles du Clemencic Consort dans le répertoire médiéval (Fêtes de l’âne, Carmina Burana, Cantigas de Santa Maria, Roman de Fauvel, lyrique des Troubadours…). Le présent double-album permet de ne pas oublier la contribution de son mentor dans le champ baroque de son Autriche natale, où mutatis mutandis il s’avère un passeur d’émotions tout aussi intense. Un remarquable hommage à cet érudit et charismatique musicien disparu en mars dernier.
Son : 9,5 – Livret : 7 (nonobstant le fantaisiste tracklisting) – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5
Christophe Steyne