Festival d’Ambronay : le dynamisme de la jeune génération

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Le Festival d’Ambronay s’est tenu du 16 septembre au 9 octobre, sous le thème de « musique en jeu ». Au fil des week-ends, plusieurs jeux sont mis en lumière : les patrimoines et l’histoire, les grandes œuvres baroques et la création, les musiciennes et les cheffes, et enfin, la jeune généation.

Comme à l’accoutumée, le dernier week-end est consacré au Festival EEEmerging, un mini-festival pour et par de jeunes ensembles émergents. Cette année, huit ensembles sont dans le programme, un d’Italie (Filobarocco), un de Pologne (Ensemble Cohaere), un d’Allemagne (Ensemble I Zefirelli), deux du Pays Bas (Ensemble Pura Corda et Butter Quartet) et trois de France (La Palatine, Into the Winds et La Camerata Chromatica). Outre ces concerts d’ensembles en résidence sur les réseaux EEEmerging réparti sur tout le territoire européen, on assiste à une nouveauté : deux grands concerts de l’Académie d’Ambronay, l’un avec des œuvres d’un orchestre classique avec Ophélie Gaillard, l’autre avec un programme d’oratorios, sous la direction de Geoffroy Jourdain.

« Les Explorateurs »

Dans la soirée du samedi 8 octobre à l’Abbatiale, le premier concert intitulé « Explorateurs », de la 24e Académie (2022), est dirigé depuis le violoncelle par Ophélie Gaillard, qui a été elle-même membre de l’Académie dans les années 1990. Les jeunes instrumentistes de 13 nationalités différentes sont regroupés autour de quatre musiciens du Butter Quartet, issus eux aussi de l’ensemble EEEmerging + qui, d’ailleurs, a donné le lendemain un concert sur la naissance du quatuor en Italie. Le programme de l’orchestre est constitué de quatre œuvres, de Mozart, de Haydn et de Boccherini, composées dans la période de 1768 à 1772. Elles illustrent une mutation du discours musical dans le contexte de Sturm und Drang. Installée sur le podium du milieu avec son violoncelle, tournant le dos à l’orchestre, Ophélie Gaillard joue également la partie des tutti, donnant de temps à autre quelques signes de tête ou de bras quand celui-ci n’est pas occupé par le jeu d’archet.
Les musiciens interprètent d’abord un chant ukrainien arrangé spécialement pour cet effectif. Ensuite, un tempo assez allant, parfois explicitement rapide, fait dégager de la musique de Mozart une bonne énergie, où transparait la joie des jeunes musiciens visiblement ravis de jouer ensemble. Malgré le tempo, les phrasés restent intelligibles, même si parfois quelques détails échappent à une attention plus soignée, comme le presto final de la Symphonie n° 49 « La Passione » de Haydn. Mais l’entrain dont ils font preuve est réjouissant. Avant tout, c’est l’occasion de présenter le fruit de leur travail qui compte, ainsi que les retrouvailles avec le public après tant d’absence.

« Passion sacrée »

Le concert de clôture du Festival, le 9 octobre toujours à l’Abbatiale, est proposé par les musiciens de l’Académie 2021, sous la direction de Geoffroy Jourdain. À travers des œuvres de Luigi Rossi, Biagio Marini, Giacomo Carissimi et de Marc-Antoine Charpentier, le programme est concentré sur l’Italie et son influence sur la France. L’accent est mis sur Historia di Jephte de Carissimi où les registres dramatiques sont explorés dans tous les aspects. Les caractères des chanteurs, à la fois choriste et solistes, ainsi que leurs timbres et leurs techniques, tous très différents, sont parfois déstabilisants pour ceux qui attendaient un rendu plus cohérent. Mais cela peut s'expliquer par les contextes de la pandémie dans lesquels les musiciens de la 23e Académie ont dû travailler.
Quoi qu’il en soit, Geoffroy Jourdain semble insister sur le caractère éminemment théâtral de ces premiers oratorios qui se confondent indéniablement avec les premiers opéras. L’expression exacerbée de certains chanteurs donne une saveur particulière quoique, encore une fois, un déséquilibre évident apparaît par endroits pour une écoute plus sereine…
Quant aux instrumentistes, ils sont plus homogènes. En un petit effectif, les musiciens réussissent à décrire des scènes narratives, alors que le continuo à la harpe confère une couleur « antique » imaginaire. Malgré quelques réserves sur les chanteurs, l’ensemble présente une belle prestation qui a été hautement appréciée par l’auditoire.
Ces deux concerts jouissifs, qui étaient très attendus, sont des symboles du dynamisme de la jeune génération.

Ambronay, Festival 2022

Victoria OKADA

Crédits photographiques © Bertrand Pichene-CCR Ambronay

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