Bouquet de Lalo depuis les rives de la Baltique avec Neeme Järvi

par

Edouard Lalo (1823-1892)  : Ouverture du Roi d’Ys ; Valse de la cigarette de Namouna ; Suites n°1 et n°2 de Namouna ; Symphonie en sol mineur. Estonian National Symphony Orchestra, direction : Neeme Järvi. 2022. Livret en anglais, allemand et anglais. 77’22’’. Chandos. CHAN 20183. 

L’année 2023 vit l'anniversaire des 200 ans de la naissance du compositeur Edouard Lalo. Illustre compositeur de la Symphonie espagnole, tube du violon qui fit les beaux jours des grands virtuoses du XXe siècle, le musicien est tombé dans un oubli quasi-total et le bicentenaire de sa naissance passa scandaleusement inaperçu… À l'exception d’une Symphonie espagnole de temps à autre, et dans des proportions de plus en plus anecdotiques, la musique de Lalo, comme tant de chefs d’oeuvres du répertoire français, est de plus en plus ignorée, à commencer la France. Dans ce triste contexte, l’honneur est sauvé par l'infatigable Neeme Järvi, défricheur passionné de tant de répertoires, qui nous livre un album enregistré au pupitre de ses fidèles musiciens de l’Orchestre national d'Estonie. 

Le programme se présente comme un panorama complet des talents symphoniques de Lalo : l’ouverture du Roi d’Ys, les suites de Namouna et de la Symphonie en sol mineur. Point de grandes découvertes tant ces partitions ont déjà été enregistrées par le passé, souvent très bien même, mais il est toujours satisfaisant de voir la discographie se compléter dans ce contexte atone.

Au fil de ce disque, Neeme Järvi joue la carte d’un orchestre compact, mettant en avant une certaine puissance de l'écriture à replacer plus dans une tradition allemande que dans la recherche d’un esprit français. Ce traitement massif,  romantique par le souffle qu’il dégage, convient mieux à l’ouverture du Roi d’Ys qui se pare d‘ombres wagnériennes et en partie à la Symphonie qui prend des réminiscences automnales que Brahms n’aurait pas reniées. Cela étant, malgré les qualités d’une direction construite et structurée, le chef ne trouve pas la clef de cette Symphonie, oeuvre étrange par son hybridité qui la fait rester dans l’ombre des autres grandes symphonies françaises de la Seconde moitié du XIXe siècle : Franck, Chausson et Saint-Saëns. La dentelle des suites du ballet Namouna manque de légèreté et de finesse de trait. Il manque ce “je-ne-sais-quoi” de gouaille et de second degré élégant que l’on retrouve dans les gravures de Jean Martinon (Erato) ou le shoot de tonus d'un Paul Paray (Mercury) alors qu’on rêverait d’une motorique altière portée par la baguette virtuose de François-Xavier Roth au pupitre de ses Siècles. 

Un disque malgré tout attachant par le souvenir qu’il transmet des qualités de la musique d’Edouard Lalo, une musique majeure à redécouvrir et à chérir.  

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 8/10 – Interprétation : 7/8

Pierre-Jean Tribot

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