Christine Ott au piano, petites musiques au bord de la nuit

par

Christine Ott (1963-) : Éclats (Piano Works). Christine Ott. 42’20" – 2023 – Livret : anglais. Gizeh Records. GZH110. 

De Strasbourg où elle naît, Christine Ott cultive un amour, virtuose, des ondes Martenot, qu’elle apprivoise comme instrumentiste classique et porte vers des projets moins alignés (« Je ne pourrais pas faire les mêmes choses tous les jours. J’ai aussi besoin de me mettre en difficulté. »), en France (le folk mélancolique de Syd Matters -qui mélange sons acoustiques et électroniques- ; le néo-classicisme de Jean-Philippe Goude) ou en Angleterre (une collaboration prolongée avec le groupe de rock alternatif Tindersticks ; plus ponctuelle avec Jonny Greenwood, multi-instrumentiste et co-compositeur, avec Thom Yorke, de la musique de Radiohead), et à l’image -là, chacun sait de quoi on parle et l’entend, quand on évoque la Valse des monstres (celle d’Amélie – Poulain ; ce film avec des nains de jardin sur des cartes postales)- sans parler des mondes étranges d’Oiseaux-Tempêtes, projet sans époque qui fait de la musique comme on entre en transe.

A côté des penchants électroniques (très) vintage (Maurice Martenot présente son premier instrument à oscillateur électronique le 20 avril 1928 à l'Opéra de Paris), Ott pose aussi ses doigts sur le clavier du piano, pour lequel elle compose, pour le cinéma et le théâtre (elle donne aussi des ciné-concerts -le romantique Die Jagd nach dem Glück est d’ailleurs un moment de Lotte, mon amour, une musique accompagnant quatre courts-métrages de la réalisatrice allemande Lotte Reiniger, de même que Vulcano, écrit pour L'homme d'Aran de Robert Flaherty), mais pas seulement, puisqu’elle propose ici une douzaine de pièces, ancrées dans l’esthétique 20e siècle des Satie et Debussy (les minimalistes américains sont aussi dans sa playlist), enregistrées au fil des occasions depuis 2016 (le cinématographique Étreintes ou le faussement hésitant Amours étoilés, qui conclut le disque), jusqu’au récent et mystérieux Clouds of Dreams, au jeu témoin de sa double pratique instrumentale – comme peut l’être le scintillement de Pluie d’arbres, entre agonie (Melancolia et Beautiful Sadness) et renaissance (Rachel ou Golden Valley).

« Quand j'étais petite, mon jardin secret s'ouvrait la nuit, une fois mes parents endormis, je laissais s'évader mes pensées, mon imagination et mes émotions. Installée au piano, du bout des doigts se dessinait ce que j'étais incapable d'exprimer. D'exprimer par des mots. Éclats rend hommage à ces nuits, à mes parents, au piano qui m'a ouvert le monde et aux rêves d'enfants… » Vertigo, référence directe au film d’Alfred Hitchcock, fait probablement partie des nuits de jeunesse de cette musicienne multiforme, qui refuse de rester figée -axe de conduite qu’elle met peut-être plus en pratique dans son travail d’interprète que de compositrice.

Son : 8 – Livret : 5 – Répertoire : 6 – Interprétation : 7

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

Bernard Vincken

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.