Conserver le souvenir de Frans Bruggen

par

Wolfgang Amadeus MOZART
(1756 - 1791)
Maurerische Trauermusik K 477 - Adagio pour deux clarinettes et trois cors de basset KV 411 - Requiem KV 626
Mona JULSRUD (soprano), Wilke te BRUMMELSTROETE (alto), Zeger VANDERSTEENE (ténor), Jelle DRAIJER (basse), NETHERLANDS CHAMBER CHOIR
ORCHESTRA OF THE EIGHTEENTH CENTURY, dir.: Frans BRUGGEN
20 mars 1998 Tokyo - Enregistrement public - Textes de présentation en anglais, français et allemand-Texte et chanté en latin - Glossa GCD C81111

A côté du coffret Glossa qui a rendu un hommage assez exhaustif à Frans Brüggen, cet enregistrement en un seul CD, capté en direct au Japon offre un double intérêt. D'abord celui de faire précéder le Requiem par deux œuvres peu connues mais dramatiquement réussies ne serait-ce déjà pour leur instrumentation. La Maurerische Trauermusik (deux hautbois, une clarinette, trois cors de basset, un contrebasson et deux cors) et le troublant Adagio pour deux clarinettes et cors de basset où nombre de réminiscences mélodiques viennent à l'esprit, furent composés en 1785 pour accompagner les rituels de la loge maçonnique, « Zur Wöhltätigkeit » (La Charité ou La Bienfaisance) à laquelle appartenait Mozart à la mort. Quant au Requiem, on est ému, une fois de plus par ce qu'a pu vivre le musicien de 35 ans à travers la composition de son ultime Adieu à « la vie qui était si belle ». Mais le rapport de Mozart ne se résume pas à cet opus interrompu où l'âme s'envole avec le Lacrymosa. Cette relation est sans doute plus complexe et secrète que ne l'indiquent ses lettres et son initiation maçonnique. Ainsi, le 2 juin 1787 il apprend la mort de son père et sa correspondance ne nous en dit presque rien. Mais, le même jour il compose un poème pour son étourneau mort : « Ci-gît un bien cher fou/Un petit étourneau/Dans ses meilleures années/Il dut éprouver/ de la mort l'amère douleur./ Saigne mon cœur à cette seule pensée/Lecteur! Verse toi aussi/Une petite larme pour lui/ Il n’était pas méchant/Mais peut-être trop bruyant,/Et parfois même/Un petit espiègle vilain … /Sans doute est-il déjà là-haut... ». Thème presque identique repris trois semaines plus tard dans le Lied « Abendempfindung » (fin du jour) KV 523 où l'auteur demande : « Toi aussi verse une larme sur ma tombe, elle sera la plus belle perle de mon diadème ». En écho au secret de ces sentiments, les extraits de grégorien (différents selon le livret et ce qui est chanté) apportent un climat apaisant même si stylistiquement un tel choix peut se discuter. L'interprétation parfois inégale permet surtout de conserver le souvenir de l'extraordinaire flûtiste et chef d'orchestre néerlandais Frans Brüggen (1934-2014) qui renouvela l'approche de la musique du XVIIIe siècle et du premier Romantisme avec tant de tact, d'humilité et de délicatesse.
Bénédicte Palaux Simonnet
Son 7 - Livret 9 - Répertoire 7 - Interprétation 7

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