Eblouissante Anna Vinnitskaya
Dmitri CHOSTAKOVITCH (1906 - 1975)
Concerto pour piano, trompette et cordes op. 35 - Concerto pour et orchestre op. 102 - Concertino pour deux pianos op. 94 - Tarentelle pour deux pianos
Kremerata Baltica, Vents de la Staatskapelle de Dresde, dir.: Omer Meir Wellber, Tobias Willner (trompette), Ivan Rudin (piano), Anna Vinnitskaya (piano)
2015 - 50' - Textes de présentation en français, allemand - Alpha 203
Depuis son Premier Prix au Concours Reine Elisabeth en 2007, Anna Vinnitskaja ne cesse de déployer son formidable talent tant au disque qu'en récitals. Cette fois, elle le consacre à Chostakovitch, un compositeur qui l'accompagne depuis qu'elle est enfant puisque c'est au Conservatoire Chostakovitch de Novorossiisk, sur la Mer Noire, qu'elle a commencé ses études avec, au mur de la salle d'audition, un grand portrait du compositeur venu d'ailleurs visiter ce Conservatoire. Elle s'est ensuite installée à Hambourg où elle a notamment étudié avec Evgeni Koriolov, un pianiste trop peu connu chez nous et détenteur de la grande tradition du piano soviétique aux cotés de Richter ou Gilels. C'est à Hambourg qu'elle enseigne aujourd'hui.
Le Premier Concerto, avec trompette, elle a choisi de la diriger elle-même tant cette musique lui semble naturelle. Et, à travers ces quatre mouvements, la pianiste nous raconte toute une histoire où l'ironie se mêle à un bonheur rythmique étourdissant, la mélancolie à la lumière dans un jeu d'une clarté éblouissante jouissant du plaisir du son et magnifiquement secondée par Tobias Willner, trompette solo de la Staatskapelle de Dresde.
Accusée de "décadence occidentale" pour son kaléidoscope d'humeurs et de couleur, sa distance par rapport aux règles classiques, le Premier Concerto fut banni des salles de concert pendant une quinzaine d'années. C'est peut-être la raison pour laquelle le compositeur attendit quelque vingt-cinq années pour se remettre au genre concerto pour piano. Le Deuxième Concerto op. 102 fut composé à l'occasion du 19e anniversaire de son fils Maxime qui le créa lors de son concert de fin d'études au Conservatoire de Moscou. Plus conventionnel, en trois mouvements -alors qu'il fut composé presque au même moment que sa Onzième Symphonie- l'opus 102 respire l'optimisme, la légèreté juvénile encadrant un mouvement lent teinté de mélancolie. Ici aussi on est totalement capté par la vie que la pianiste donne à l'oeuvre, sa joie de jouer, une sonorité qui fait merveille, une assise rythmique totalement vécue et partagée par la Kremerata Baltica dirigée par Omer Meir Wellber.
C'est avec Ivan Rudin qu'elle s'associe pour les deux pièces pour deux pianos seuls. Le Concertino op. 94 témoigne de ce même bonheur, suivi de la Tarentelle extraite de sa musique de film Le Taon op. 97 de 1955, sa toute dernière oeuvre écrite pour le piano d'une malice toute complice.
Bernadette Beyne
Son 10 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 10