Echos de la Terre, un premier disque au programme inspiré

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Echos de la Terre. Oeuvres de Fabian Fiorini (1973-) ; Tõnu Kõrvits (1969-) ; Kaija Saariaho (1952-2023) ; George Crumb (1929-2022). Trio O3. 52’20" – 2024 – Livret : français et anglais. Cypres. CYP4664. 

Après une première miniature (il y en aura quatre, nouveaux interludes – ils ne figurent pas sur le disque – scindant les volets de musiques en phase avec les fondamentaux de la nature ; de là le titre du programme) née de l’esthétique des travaux de musique à l’image de la compositrice d’origine ottintoise Virginie Tasset (pour les injonctions parlées, elle puise, dans le lexique de Christophe André), le Trio O3 inverse l’attelage et entame le concert de présentation de son premier album par le splendide Vox Balaenae, où George Crumb déploie son style de maturité (à la voix de la baleine à bosse succède bientôt l’écriture du cycle des Makrokosmos) ; les trois mouvements (dans Variations on Sea-Time, Crumb propose cinq variations) mettent la flûte, le violoncelle et le piano (partiellement modifié et lui aussi amplifié), sans oublier les petites cymbales, au service d’un itinéraire sous-marin sonore et latent, où l’imposant mammifère glisse furtivement, comme sans masse, onirique – le loup noir qui leur couvre les yeux place les musiciennes dans la neutralité de « celles qui produisent le son ».

La lumière est le thème que Fabian Fiorini met au centre de son Glowing hearts of the deep white nympheas (entendu il y a deux ans aux Belgian Music Days à Eupen), dernière liberté d’ordonnancement que prend le concert avec le CD, une pièce au sein de laquelle l’oreille explore le son comme l’œil l’ombre et l’éclat, déplaçant le point d’écoute comme on tourne autour d’une scène pour en voir les détails sous un jour différent – les Nymphéas de Claude Monet sont en embuscade pour une musique, rêveuse aussi si moins aventureuse (au nourrissement joyeux dans sa Danse des pistils), qui laisse aux interprètes des choix de tempo, de timbre, voire d’improvisation.

Avec ses élans brisés de vent et d’air, arrêtés par un ventre mou sans résonance, Solano, écrit en 2003 par le compositeur estonien Tõnu Kõrvits, outre qu’il sollicite les instruments dans ce qu’ils ont, sous les apparences, d’apparenté (l’action directe sur les cordes du piano, les chuintements du violoncelle, les exhalaisons de la flûte), introduit cette touche d’étrangeté presque extra-occidentale que l’on éprouve en découvrant Tallinn – et un peu plus au nord, après avoir traversé le Golfe de Finlande en ferry sur moins de 100 km, Helsinki, où naît, en 1952, Kaija Saariaho. Cendres, à sa manière de poète sonore abrupte, rejoue la multiplicité des minuscules points de vue (que Fiorini travaille dans sa pièce comme un impressionniste) : rien ne semble bouger mais le feu vit, brûle et mord à petits claquements de mâchoires secs et discrets – on les devine plus qu’on en est témoin mais ils digèrent ce qui se consume er laissent place à ce qui va (re)naître.

Emu (les larmes de joie de la flûtiste Lydie Thonnard lors de sa prise de parole finale), le Trio O3 est joyeux et en terrain connu : c’est chez Arsonic que les trois musiciennes ont enregistré les œuvres rejouées ce soir et depuis un temps à leur répertoire – à l’exception de la création des Miniatures Méditatives de Virginie Tasset – et le plaisir est manifeste lorsqu’elles proposent, en rappel, leur vision du jazzy et astucieux OVNI du Magic Malik Orchestra.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

Bernard Vincken

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