Frank Peter Zimmermann, les enregistrements Warner.
Frank Peter Zimmermann, The Complete Warner Recordings. Oeuvres de : Georges Auric (1899-1983), Johann Sebastian Bach (1685-1750), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Alban Berg (1895-1935), Johannes Brahms (1833-1897), Claude Debussy (1862-1918), Antonín Dvořák (1841-1904), Jean Françaix (1912-1997), Alexander Glazounov (1865-1936), Leoš Janáček (1854-1928), György Ligeti (1923-2006); Felix Mendelssohn (1809-1847), Darius Milhaud (1892-1974), Wolfgang amadeus Mozart (1756-1791), Nicolo Paganini (1782-1840), Françis Poulenc (1899-1963), Sergei Prokofiev (1891-1953), Maurice Ravel (1875-1937), Camille Saint-Saëns (1835-1921), Robert Schumann (1810-1856), Jean Sibelius (1865-1957), Igor Stravinsky (1882-1971), Pyotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893), Anton Webern (1883-1945), Kurt Weill (1900-1950), Eugène Ysaÿe (1858-1931). Frank Peter Zimmermann, violon. 1984-2001. Livret en anglais, allemand et français. 1 coffret de 30 CD Warner. 0190296317880.
Warner rend hommage à Frank Peter Zimmermann, l’un des plus fabuleux musiciens de notre temps, avec un coffret qui reprend la totalité de ses enregistrements Warner, c'est-à- dire pour les labels EMI et Teldec, désormais intégrés dans le groupe Warner. Le panorama est prestigieux et qualitatif car on peut entendre le soliste dans des concertos, des oeuvres de musique de chambre et pour violon solo en compagnie de prestigieux partenaires tant orchestraux, que solistiques ou de direction d’orchestre.
Le parcours commence en 1984 quand le jeune virtuose est appelé pour des concerts de prestige au Festival de Salzbourg avec Lorin Maazel et à Paris avec Daniel Barenboïm. Pour ses débuts discographiques, le musicien grave deux concertos de Mozart, base d’une intégrale avec le solide Württembergisches Kammerorchester Heilbronn sous la direction rigoureuse de Jörg Faerber. Somme concertante, complétée ensuite par la symphonie concertante en compagnie de l’altiste Tabea Zimmermann, puis d’intégrale de sonates pour violon et piano en compagnie d’Alexander Lonquich. Mozart est un terrain d’excellence pour Frank Peter Zimmermann, sa technique assurée et sa sonorité chantante mais un peu tranchante servent merveilleusement ces œuvres. L’intégrale des sonates pour violon reste une référence absolue de la discographie avec une adéquation parfaite entre un violoniste musical mais jamais faussement virtuose ou démonstratif et un pianiste certes rigoureux et attentif mais un peu latin dans son accompagnement. Tous les grands concertos du répertoire sont représentés, souvent servis par accompagnement des grands orchestres : Philadelphia Orchestra, Berliner Philharmoniker, London Philharmonic, Philharmonia Orchestra, Radio-Sinfonieorchester Stuttgart, Kölner Rundfunk-Sinfonie-Orchester sous des baguettes expertes. La technique parfaite de Frank Peter Zimmermann rencontre une parfaite compréhension stylistique des oeuvres qui ne verse jamais dans un démonstratif clinquant : Tchaikovsky est chantant et lyrique, Prokofiev et Stravinsky sont éclatants comme des diamants, Berg s'avère noir et étouffant et Sibelius se mire dans une lumière à la fois sombre et dense. Zimmermann apporte indéniablement un plus interprétatif à tant de ces œuvres rabâchées, trop souvent à la besogne. La capacité d’écoute et de dialogue est également superlative avec de Double concerto de Brahms tel un moment chambriste en compagnie de son compère Heinrich Schiff superbement secondé par le grand Wolfgang Sawallisch, album idéalement complété par les teintes d’automnes du Trio avec cor du même Brahms en compagnie de la corniste Marie-Louise Neunecker. On admire également la gravure du Concerto pour violon de Robert Schumann, saisi dans une optique dramatique qui dynamise cette partition souvent bien creuse.
La curiosité des répertoires est également une marque de fabrique du musicien car on se plaît à écouter les concertos de Glazounov ou Kurt Weill, les sonates pour violon de Georges Auric, Darius Milhaud ou de Jean Françaix. Du côté du répertoire contemporain, Zimmermann propose une lecture presque définitive du Concerto pour violon de Ligeti dont il est peut être le plus grand interprète alliant précision technique, justesse du ton et second degré.
Chambriste, l’artiste nous régale des Quatuors avec piano de Mozart en compagnie d’une dream team composée de Christian Zacharias, Frank Peter Zimmermann, Tabea Zimmermann et Tilmann Wick, ou des oeuvres de Prokofiev avec Alexander Lonquich.
Au sommet de ce coffret, il faut placer les lectures des 24 Caprices de Paganini et des Sonates pour violon solo d’Eugène Ysaÿe. Du géant belge, Zimmermann place la barre très haut, tirant ces oeuvres vers un lyrisme épuré mais prenant, qui délivre en toile de fond l’influence de Bach, comme le souligne l’excellent texte de présentation.
Comme souvent avec Warner, le coffret reprend les couplages originaux ce qui nous vaut la présence d’oeuvres purement symphoniques.
En 30 CD, ce coffret superbement enregistré est une affaire en or et il rend hommage à un artiste exceptionnel qui occupe une place centrale dans la scène violonistique actuelle.
Son : 10 Notice : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot