Gary Guthman, la trompette mais aussi la harpe 

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Gary Guthman (°1952) : Concerto Romantico pour harpe et orchestre ; Concerto pour trompette et orchestre ; Margarita, pour harpe, trompette et orchestre. Malgorzata Zalewska, harpe ; Gary Guthman, trompette ; Orchestre de l’Opéra et de la Philharmonie de Podlachie, direction Mirosław Jacek Błaszczyk. 2022. Notice en polonais et en anglais. 61.12. Dux 1873.

Trompettiste et musicien de jazz, l’Américain Gary Guthman, originaire de Portland dans l’Oregon, est aussi compositeur. La pratique de son instrument l’a conduit à travailler avec Ray Charles, Dionne Warwick, Procol Harum, Burt Bacharach ou Michel Legrand, pour ne citer qu’eux. Il s’est produit à de multiples reprises dans un grand nombre de villes américaines ou canadiennes, participant à des projets, l’un des plus notoires étant celui de 2004, Tribute to Harry James (1916-1983), figure légendaire de la trompette dans les années 1930-1940. S’il compte à son actif des albums en solo ou avec formations de jazz, Guthman a aussi arrangé, orchestré et composé un grand nombre d’œuvres, y compris dans le domaine classique. Son activité s’est étendue à la Pologne : marié à la harpiste Malgorzata Zalewska, originaire de Cracovie (°1963), Guthman a composé la musique et les airs de Letters from Warsaw, créé en 2019, qui raconte de façon émotionnelle l’histoire d’une famille américaine qui retrouve ses racines juives en Pologne. Des pages classiques sont venues s’ajouter à son catalogue : une suite pour harpe et orchestre en 2007, d’après Le Maître et Marguerite de Boulgakov, une suite de chambre The Traveler en 2021, et les partitions qui forment le programme du présent album.

Ecrit à l’intention de son épouse, le Concerto Romantico pour harpe et orchestre de 2018 en trois mouvements porte bien son titre, offrant à la dédicataire une palette de nuances légères ou chaleureuses et de timbres harmonieux, mais aussi la possibilité de déployer une virtuosité qu’elle exploite à merveille. On lira dans la notice l’entretien entre Gary Guthman et le chef d’orchestre Mirosław Jacek Błaszczyk, dans lequel les deux musiciens évoquent l’univers des musiques de films, Guthman révélant que l’un de ses inspirateurs est le Polonais Bronislaw Kaper (1902-1983), dont le catalogue est riche de plusieurs dizaines de productions cinématographiques (Les Frères Karamazov, 1948 ; Les Révoltés du Bounty, 1962 ; Lord Jim, 1965…), et qui utilise de passionnantes progressions harmoniques. Le Concerto Romantico est une œuvre plaisante, à la fois lyrique et dramatique, avec de permanents contrastes de couleurs, en particulier dans le dernier mouvement, intitulé Covenant, qui exige de la harpiste, dont on admire la technique à la fois sûre et subtile, un engagement de chaque instant face à un orchestre dense et riche en élans dynamiques.

C’est en toute logique que Gary Guthman est le soliste de son Concerto pour trompette et orchestre de 2020, qui séduira les amateurs de l’instrument par son côté émotionnel prononcé, son côté jazzy assumé, les rythmes de musiques populaires d’Amérique du Nord et de danses latines, avec d’efficaces effets percussifs. Guthman évoque le souvenir de Chick Corea (1941-2021), dont il collectionne tous les albums. L’orchestration est vivace, généreuse et chatoyante dans l’initial El Provocateur, mais se révèle aussi poétique dans le mouvement central, La Fontana, qui est une mise en musique du jour où le trompettiste est tombé amoureux de sa future épouse. Le swing est bien présent pour souligner ce que cet événement représente dans la vie de Guthman, dont la trompette évolue dans un univers émotionnel, comme un chant éperdu. Le dynamisme et le brio retrouvent toute leur place dans The Race, conclusion de ce concerto, dans une atmosphère qui a le bon goût d’assumer avec retenue les effets grandioses, voire spectaculaires.

Gary Guthman et Malgorzata Zalewska sont réunis dans le tout récent Margarita pour harpe, trompette et orchestre (1922), où la joie de jouer ensemble se laisse aller entre rêveries et sentiments. Les deux époux offrent, tout au long de cet album, un témoignage probant de leurs hautes qualités d’interprètes. Ils partagent leurs élans et leur enthousiasme avec la Philharmonie de Podlachie et son chef Mirosław Jacek Błaszczyk. (°1959), très impliqués. 

On aurait tort de négliger cet album, que d’aucuns considéreront sans doute comme quelque peu marginal dans l’univers classique. Cette première discographique procure en tout cas une heure de vrai plaisir d’écoute.   

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 7,5  Interprétation : 10

Jean Lacroix    

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