Jaroussky chante Verlaine

par

GREEN
Mélodies françaises sur des poèmes de Verlaine
Philippe JAROUSSKY (contre-ténor), Jérôme DUCROS (piano), Nathalie STUTZMANN (alto), Quatuor Ébène
2015-DDD–2015–57’ 18’’ et 54’ 34’’–Livret en français, anglais et allemand–Erato 0825646 1 66954

« Pourquoi un contre-ténor ne pourrait-il pas avoir la sensibilité et la technique vocale nécessaires pour interpréter de la mélodie française ? » C’est la question que pose Philippe Jaroussky dans le très beau livret illustré de présentation de ce double CD édité par Erato et regroupant quarante-trois mélodies sur des poèmes de Paul Verlaine, dont des textes aussi sublimes, aussi extraordinaires, aussi saturniens que Green (« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches »), Colloque sentimental (« Dans le vieux parc solitaire et glacé ») ou Colombine (« Léandre le sot, / Pierrot qui d’un saut / De puce / Franchit le buisson, / Cassandre sous son / Capuce »).
Au début, à l’écoute des premières d’entre elles, on se sent un rien dérouté, désorienté, mais au fur et à mesure qu’elles se suivent (et ne se ressemblent pas), on commence petit à petit à adhérer à cette interprétation inattendue, et on finit même par y souscrire totalement, tant la voix de Philippe Jaroussky est… mélodieuse. Mélodieuse et presque évanescente et irréelle, un peu come si elle jaillissait d’un monde parallèle – un monde mystérieux, improbable. Il est vrai aussi que la plupart de ces œuvres ont été composées par des maîtres de la musique française : Claude Debussy, Gabriel Fauré, Emmanuel Chabrier, Florent Schmitt… Ou par des mélodistes talentueux tels que Jules Massenet ou Reynaldo Hahn. À leurs côtés, figurent aussi trois grands de la chanson française : Charles Trenet, Léo Ferré et Georges Brassens, et ce qui est remarquable, c’est que Philippe Jaroussky ne cherche nullement à les imiter ni à donner ici une interprétation qui rappellerait les versions originales.
Comme Paul Verlaine reste le poète français le plus mis en musique (plus que Victor Hugo), on ne s’étonnera pas de trouver sur ce double CD plusieurs mélodies basées sur le même poème. Il y a ainsi trois Green (Claude Debussy, Gabriel Fauré et André Caplet), trois Colloque sentimental (Claude Debussy, Joseph Canteloube et Léo Ferré), trois Clair de lune (Claude Debussy, Gabriel Fauré et le Polonais Jozef Zygmunt Szluc) et trois En sourdine (Claude Debussy, Gabriel Fauré et Reynaldo Hahn). Ou encore deux Colombine (Poldowski, née Régine Wieniawski, et Georges Brassens) et deux « Un grand sommeil noir », un des merveilleux poèmes de Sagesse (Arthur Honegger et Edgard Varèse). Une excellente occasion, en somme, de voir – d’entendre – comment chaque compositeur assimile le génie poétique de Paul Verlaine et parvient, avec ses propres notes et sa propre sensibilité, de lui conférer un formidable écho sonore.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9  – Livret 9 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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