Jolies découvertes

par
de la tombelle

Fernand DE LA TOMBELLE
(1854 - 1928)
23 Mélodies
Tassis CHISTOYANNIS, baryton, Jeff COHEN, piano
2017-74'- DDD- Livret et textes en français et anglais- chanté en français-AP 148

De la Tombelle, joli nom et Fernand, joli prénom assez rare à l'époque, jolie baronnie périgourdine de Fayrac et joli hôtel de la rue Newton parfaitement situé entre l'Arc de Triomphe et cette Plaine Monceau si fertile en talents depuis Proust, Dumas, Pierre Louÿs, Catulle Mendès, Saint-Saëns, Massenet, Fauré jusqu'à Debussy... tout semble « joli » chez cet auteur resté dans l'ombre, y compris ses mélodies. C'est que les œuvres présentées ici étaient essentiellement destinées aux soirées données dans son hôtel où pianistes et chanteurs - débutants ou célèbres - se faisaient entendre. Né en 1854 (un an avant Chausson), mort en 1928 (l'année du Boléro de Ravel), le compositeur fut élève de Guilmant et Théodore Dubois, et son catalogue montre qu'il a abordé tous les genres, de la musique de scène à l'orgue et la musique de chambre. Ses talents éclectiques et sa modestie expliquent en partie la diffusion restreinte de ses compositions. Son attrait pour la pédagogie (il aurait participé à la fondation de la Schola Cantorum) se traduit ici par une grammaire assez simple, une écriture sans effets de manche mais guidée par un goût remarquable. Cet homme de culture, travailleur assidu écrit comme il entend les harmoniques des choses et des vers ; sa sensibilité reste peu expansive ; son tissu mélodique respire la mesure en toute chose. Il jette son dévolu sur les poètes que l'on aimait à l'époque : André Theuriet, à côté d'Hugo, de Théophile Gautier ou Léon Chadourne. Certaines pages s'appuient sur des poèmes gentillets d'amis voire sous les signatures masquées de proches. Parfois comme plusieurs contemporains, il louche vers le folklore, textes sans emphase, envolées naturelles, venus de poètes secondaires - Dorchain, Barbier, Marcel de Lihus ou Paul Harel. Mais il se tourne également vers les grands hommes du XVIe siècle, de même que Saint-Saëns ou Poulenc à l'époque, en donnant par exemple un attachant contexte musical au merveilleux sonnet d'Estienne de la Boétie « Hélas ! combien de jours, hélas ! Combien de nuits / J'ai vécu loin du lieu où mon cœur demeure... » dédié à sa cousine, la Marquise de Maleville. Musicien discret certes mais très représentatif de son temps, d'une manière de pratiquer la musique, d'un goût subtil et simple. Il sait choisir les belles sonorités (cf. La Croix de bois) use d'un langage délicat, sans prétention, conscient de n'être ni Fauré, ni Chausson, ni Duparc. C'est ce qui touche chez ce musicien sincère, intimiste (10, 13, 16) et réservé (12, 13) qui partage dans ces petites pièces, ses trouvailles, ses émotions sans fausse pudeur ni pathos. Si la qualité de la prise de son met en valeur son excellent sens de la prosodie ainsi que la diction du baryton Tassis Christoyannis, ce dernier reste assez distant et use d'un ton uniformément plaintif. Le piano sobre et fluide de Jeff Cohen fait agréablement ressortir les teintes légères de la palette du compositeur. Le livret de présentation laisse en suspens bien des interrogations et le musicien ne sort pas tout à fait du flou d'où le centre de musique romantique française et le Palazzetto Bru Zane l'ont voulu extraire. De plus, le choix de ce compositeur ne contribue pas de façon aveuglante à cerner la substance du « romantisme français ». Sauf à oser, par commodité de dates, le ranger dans la catégorie de... « digne représentant du classicisme romantique français » (Symétrie) ! Ce qui est certain en revanche, c'est qu'il réjouira les amateurs de jolies découvertes oubliées.
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 10 - Livret 7 - Répertoire 8 - Interprétation 8

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.