La Finta Pazza « d’après » Francesco Sacrati à Versailles : une déception.

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L’exhumation de partitions inconnues du XVIIe siècle présente un avantage : offrir une quasi « page blanche » au directeur musical. C’est donc de lui qu’il sera question ici beaucoup plus que de Francesco Sacrati (1605-1650) dont la Finta Pazza (la fausse folle) fut créée à Venise en 1641 avec succès, notamment grâce aux machineries fantastiques du grand « sorcier » Giacomo Torelli. C’est sous cette forme, avec des ballets de Balbi, que fut représenté pour la première fois en France un véritable opéra à l’invitation de Mazarin dans le but de divertir le jeune roi de 7 ans. Il semble n’en subsister que l’ossature (livret de Giulio Strozzi) privée de ses ballets et intrigues annexes. Après deux productions récentes dont celle d’Allan Curtis à La Fenice, c’est Leonardo Garcia Alarcon qui propose une nouvelle version à la tête de sa Cappella Mediterranea.

Les échos flatteurs de la représentation de Dijon sont- ils confirmés ? Sans doute, la petite salle choisie à Dijon, il y a quelques semaines, convenait au parti du metteur en scène Jean-Yves Ruf : revenir aux sources de l’opéra vénitien avec ses « petits théâtres aux moyens limités ». Mais il n’en est pas de même à Versailles. Le contraste entre l’indigence scénique et le faste du Château en son Opéra Royal, est plus que cruel -fatal ! En outre, ce décalage frustrant pénalise les interprètes qui en semblent conscients et intimidés. Quant au texte musical, le chef argentin, par ailleurs claveciniste émérite, en signe l’essentiel avec de probables ajouts dont un final d’une rare platitude tandis qu’il fait appel à Corelli pour l’introduction. Dans l’ensemble l’orchestre sonne coruscant et hétérogène -cordes peu nombreuses aux archets secs et au vibrato serré, vents rustiques et percussions à la manière du baroque sud-américain. Quant au chant, on frémit à l’idée qu’il puisse être associé par les jeunes auditeurs au fameux « parlar cantando », ancêtre du Bel Canto, cher à Monteverdi et ses amis dont... Sacrati. L’héroïne mythologique centrale Deidamia qui va feindre la folie pour garder près d’elle son amant Achille, repose sur les frêles épaules de la soprano argentine Mariana Flores. Prise au piège d’un jeu excessif presque romantique, son émission s’appuie sur des sons droits au vibrato et aux nuances rares. Manque de rondeur qu’aurait pu compenser le timbre doux de Filippo Mineccia (Achille travesti en femme retrouvant son ardeur belliqueuse) s’il n’était annoncé souffrant. De l’amoureux éconduit, Diomède (vaillant Valerio Contaldo), jusqu’aux personnages bouffes, Nourrice et Eunuque dessinés à gros traits ou aux Capitaine, Ulysse et Licomède très en retrait et, enfin, dieux et déesses, le jeu collectif ne parvient pas à lier comique et tragique de manière fluide. Les dieux finissent à terre, la vocalité avare d’ornementation est la même du début à la fin et la transcendance perdue en route.

Bénédicte Palaux Simonnet

La Finta Pazza, Francesco Sacrati (1605-1650), Opéra Royal de Versailles, 16 mars 2019.

Crédits photographiques : Gilles Abegg

 

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