La passion de Miklós Spányi pour CPE Bach

par

Carl Philipp Emanuel BACH (1714-1788) : Clavierstücke verschiedener Art, Wq 112. Miklós Spányi, clavecin. 2019. Livret en anglais, allemand et français. 80.21. BIS-2370.

Né à Budapest en 1962, Miklós Spányi y a étudié l’orgue et le clavecin à l’Académie Franz Liszt avec Janos Sebestyen et Ferenc Gergely, puis s’est perfectionné à Anvers auprès de Jos Van Immerseel au Conservatoire Royal flamand, et auprès de Hedwig Bilgram à Münich. En 1984, il remporte le Premier Prix du Concours international de clavecin de Nantes ; trois ans plus tard, c’est le Concours de Paris dont il est le lauréat. S’il pratique la basse continue dans divers ensembles, Miklós Spányi se fait une réputation en jouant de l’orgue, du clavecin, du pianoforte ou du clavicorde. Il se prend de passion pour l’œuvre de Carl Philipp Emanuel Bach dont il devient un éminent spécialiste. Il enregistre, en vingt volumes, une intégrale des concertos pour clavier du compositeur (achevée en 2014), avant de se lancer dans un autre marathon : celui des partitions pour clavier seul. Il publie en parallèle plusieurs volumes de cette même musique chez un éditeur de Budapest, où il enseigne désormais à l’Académie Franz Liszt, tout en dispensant des cours à Mannheim ou à Amsterdam.

L’intégrale entreprise par Miklós Spányi de l’oeuvre pour clavier seul de Carl Philipp Emanuel Bach en est à son 39e numéro, enregistré en juillet et août 2018 en l’église du Christ-Roi, dans le prestigieux quartier de Rozsadomb de Budapest. Les Pièces de différents genres pour le clavier Wq 112, 1-19 ont été publiées en 1765 à Berlin, que le compositeur quittera bientôt pour Hambourg. Dans une note du livret, Miklós Spányi explique que le clavecin connaît un nouveau pic d’intérêt dans les années 1760, que le mouvement est dû essentiellement à la qualité des instruments luxueux et colorés qui proviennent d’Angleterre et qu’il s’étend à travers toute l’Europe. L’interprète ajoute que le recueil dont il est question ici présente « un important éventail de genres » et qu’il peut être exécuté « sur une grande variété d’instruments ». Sans entrer dans les détails que l’on lira dans le livret avant audition, il est utile de savoir que Miklós Spányi a opté pour son clavecin anversois d’après Dulken, qui montre une grande similitude avec le son des clavecins anglais et qu’il a déjà sollicité par le passé pour sa lecture des concertos de Hambourg. Une boîte expressive y a été ajoutée, avec le souci de reproduire les registrations et les effets dynamiques qui ont été copiés sur les possibilités des clavecins anglais.

Cela engendre un plaisir d’écoute qui est constant tout au long de ce CD copieux (plus de 80 minutes), les pièces du recueil étant jouées dans l’ordre de la partition, à l’exclusion des trois lieder qui s’y trouvent. A côté d’une série de pièces (menuets, solfeggio, alla polacca, fantasia, fugue...) de durée réduite, parfois mêmes très brèves, tour à tour dans un esprit de danse, de style galant ou d’atmosphères aux rythmes variés, trois parties de plus vaste dimension jalonnent le parcours. C’est le cas d’un Concerto en do majeur Wq 112/1 pour clavier seul sans accompagnement, qui semble avoir d’abord été élaboré pour être joué avec orchestre ; on en ressent la tendance à travers une série de contrastes dès l’Allegretto initial qui précède deux mouvements au contexte enjoué. La Sonate en ré majeur Wq 112/7 en trois mouvements fait appel à une plus grande densité d’écriture, dans une ambiance calme et une forme sonate miniature. Quant à la Sinfonia en sol majeur Wq 112/13, elle consiste en un arrangement de la Sinfonia pour orchestre Wq 180. Elle entraîne l’auditeur dans un monde brillant, voire exaltant, plein d’éléments cadentiels à la fois déconcertants et séduisants. Carl Philipp Emanuel Bach y démontre une absolue maîtrise, dont on sait qu’elle a été reconnue aussi bien par Haydn ou Mozart que par Beethoven.

Dans cet univers varié où l’expressivité est à la fois contrôlée et libérée, Miklós Spányi adopte un jeu d’une grande lisibilité, alliant l’intimité à la transparence, dans une vision analytique proche du texte qui rappelle que cet interprète est aussi un théoricien de haut niveau.

Son : 9.  Livret : 9. Répertoire : 9. Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

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