Le Cabaret de Schubert

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Les cigales n’ont pas chanté ce soir, la soprano Marie-Laure Garnier si. Changement de lieu en dernière minute pour ce concert du festival ClassiCahors dont la huitième édition n’a pas été épargnée par l’instabilité météorologique qui touche la France des festivals cet été. Pas de cadre magique et estival de la cour de la Préfecture de Cahors, mais une église du Sacré-Cœur bien sage pour abriter ce concert au titre bien séducteur : Le Cabaret de Schubert. Annonçant les contrastes du programme entre lieder, opéra américain et gospel, le concert a pourtant été parfaitement unifié par la soliste, à l’aise sur tous les fronts. 

Accompagnée par le Quatuor Dutilleux, Marie-Laure Garnier a d’abord déroulé le grand répertoire de Franz Schubert, n’oubliant ni Standchen qui a ouvert le concert, ni Gretchen am Spinnrade. Feutré, déroulant le tapis sonore à pas de velours et pouvant drastiquement changer de caractère alors que les moyens d’écriture sont exactement les mêmes, le quatuor aurait été un partenaire rêvé pour chaque soliste. 

De plus en plus visible sur les planches des grandes scènes d’opéra, Marie-Laure Garnier insuffle à chaque Lied la force d’un personnage. Sans mise en scène, sans apparats, la soprano sait envoûter la musique par sa simplicité ou, au contraire, par son dramatisme, comme si c’était une question de vie ou de mort. 

Un temps de répit entre deux univers ? Pas pour le Quatuor Dutilleux qui a pu se lâcher dans le meilleur sens du terme dans le Quatuor en fa mineur op. 80 de Felix Mendelssohn. C’est assez rare que, dans un concert vocal, une pièce instrumentale fasse un tabac. Dans ce concert cependant, les musiciens du quatuor n’ont jamais perdu l’attention du public qui, grâce aux passages emportés et toujours juvéniles de Mendelssohn, a adhéré jusqu’au bout à cette ambiance festive du concert. 

Le Cabaret de Schubert ? Pourquoi pas, mais un cabaret bien chronologique. Pour faire la transition avec la deuxième partie du concert, moins de type « récital », c’est à la butte de Montmartre qu’on a été transporté avec le morceau instrumental Édith, proposant le best of du « cabaret » à la française à travers des bribes de chansons d’Édith Piaf, durant lequel l’altiste du Quatuor et arrangeur de la pièce, David Gaillard, a échangé son alto contre un mélodica pour une petite incise de « Sous le ciel de Paris ». 

Un peu de Francis Poulenc (Les chemins de l’amour, C’est ainsi que tu es) avant la dernière partie du concert en grande pompe à l’américaine, entre Gershwin, standards du jazz et gospels. Si dans Nobody Knows le parti pris de l’interprétation manque un peu de rythme et caresse un peu trop langoureusement chaque phrase, Marie-Laure Garnier est une diva incarnée dans Walk Together, enrobé dans le meilleur style de Harlem ou encore Summertime, rappelant ses magnifiques débuts au Concert de Paris du 14 juillet 2023 sur le Champ-de-Mars. 

Même si la soliste avait du temps pour changer de registre entre chaque univers musical, jamais mélangé mais donné en blocs, le concert n’était qu’une occasion de plus de savourer la force et la générosité de la voix de Marie-Laure Garnier, très développée et riche, aussi bien dans l’aigu que dans le grave. C’est donc moins dans les contrastes du répertoire que dans les contrastes vocaux qu’il a été possible de savourer ce « Cabaret de Schubert » dans lequel chaque compositeur a trouvé sa place, même si c’était dans des compartiments séparés.

Festival ClassiCahors 2023, le 4 août 2023

Gabriele Slizyte

Crédits photographiques : Thibaud Galvan 

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