Rachmaninov et le beau son

par

Serge Rachmaninov (1873-1943) : Symphonie n°2 en mi mineur, Op.27 ;  Symphonie n°3 en la mineur opus 44 ; l'île des morts, Op.19. The Philadelphia Orchestra, Yannick Nezet-Seguin. 2018-2022. Livret en anglais et allemand. DGG 486 4775 

Avec cette parution,  Yannick Nezet-Seguin termine l’intégrale Rachmaninov dont le premier volume était paru en 2021. Pour l’Orchestre de Philadelphie, c’est la troisième intégrale des symphonies après celles d’Eugène Ormandy (Sony) et Charles Dutoit (Decca).   

Le grand triomphateur de cette nouvelle parution est évidemment la phalange étasunienne dont la sonorité velourée est d'une plastique idéale pour cette musique d’orchestre captée dans l'acoustique magique de sa salle du Kimmel Center for the Performing Arts.

Le soyeux des pupitres de cordes et le galbe à la fois puissant et fin des vents et des cuivres font briller ces partitions. Le premier mouvement de la Symphonie n°2 est exemplaire par le balancement musical porté par cette beauté sonore. Au pupitre d’une telle machine jouer,  Yannick Nezet-Seguin laisse la musique s’écouler, sculptant ça et là, par la palette des nuances, telle ou telle inflexion ou tel ou tel détail de l’orchestration mais sans sur-diriger. La Symphonie n°3 est parfaitement construite, puissante dans ses basses et mélodieuse d’un ton toujours lumineux. C’est évidemment une lecture d’orchestre porté par un chef qui peut, tel un organiste, jouer de toutes les éléments de sa phalange pour imposer une lecture de démonstration. Certes, on peut aller plus loin dans la dramatisme brut ou la noirceur qui pointe toujours en filigrane derrière chaque mesure, mais sur le créneau de la maîtrise orchestrale brute portée par un orchestre d’exception, on évolue sur les sommets. 

La pépite de cet album réside dans la lecture impériale du poème symphonique, l'Île des morts, de l’évocation des vagues du début aux climax centraux explosifs ; cette lecture est une pierre angulaire de la discographie. La beauté magistrale des couleurs des pupitres du Philadelphia Orchestra est taillée sur mesure pour cette partition et tous les musiciens, galvanisé par leur chef, font feu de tous bois.

La réussite de cet album réside également dans une captation de très haut niveau qui rend toutes les couleurs de l’orchestre tout en déployant une amplitude dans les passages incisifs et puissants. On regrette juste un livret assez minimal, car une telle parution aurait mérité mieux en introduction. 

Dans tous les cas, que ce soit avec les enregistrements de John Wilson pour Chanson ou ce dernier volet d’intégrale, Rachmaninov est bien servi du côté de ses partitions symphoniques. 

Son : 10 Livret : 6  Répertoire : 10 Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Chronique réalisée sur base des fichiers numériques.

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