Le Dowland sévère et inventif de Jonas Nordberg

par

Lessons. John Dowland (1563-1626) : Prelude P 98 ; A Fancy P 73 ; The Frog Galliard P 23a ; Farewell P 4 ; A Fancy P 6 ; The Most Sacred Queen Elizabeth, Her Galliard P 41 ; Forlorn Hope Fancy P 2 ; The Right Honourable Ferdinando Earl of Derby, His Galliard P 44a ; Loth to Depart P 69 ; Can She Excuse P 42 ; Solus Cum Sola P 10 ; Sir John Smith, His Almain P 47 ; Orlando Sleepeth P 61 ; Lady Hunsdon’s Puffe P 54 ; Semper Dowland Semper Dolens P 9 ; The Most High and Mighty Christianus the Fourth, King of Denmark, His Galliard P 40 ; A Fantasie P 1a ; Piper’s Pavan P 8 ; A Fancy P 5 ; Lachrimae P 15 ; Galliard to Lachrimae P 46. Jonas Nordberg, luth. Livret en anglais, allemand, français. Mars 2021.  72’16 .  BIS 2627

Dans le récital de Jonas Nordberg, un univers qu’il avoue explorer depuis de nombreuses années, cinq pièces proviennent du Varietie of Lute-Lessons publié à Londres en 1610 et justifient le titre de l’album. Au demeurant, la notice ne nous renseigne pas sur le choix opéré parmi le catalogue de Dowland, mais s’avère captivante pour les amateurs du luth, dont elle retrace la résurgence au XXe siècle dans le sillage d’Arnold Dolmetsch, et resitue les enjeux de facture, sous un angle historique et pragmatique. En toute humilité, ce texte interroge même l’intérêt d’enregistrer ce corpus quand existent déjà quelques éminents jalons discographiques (Jakob Lindberg, Paul O’Dette, Nigel North-auxquels on ajoutera volontiers l'exceptionnelle réalisation de Bor Zuljan admirée dans nos colonnes de janvier 2021.

Après un disque Kapsberger au théorbe chez le même label, le virtuose suédois emploie ici un luth à neuf chœurs cordé en boyaux, propice à une vocalité toute lyrique (comme le traducteur immédiat de paroles qui semblent ici jaillies de la projection des lute songs), avec cordes graves lestées par des sels de métaux. La matité de la sonorité est renforcée par le diapason à 392. Une captation dense et intimiste confronte l’oreille à un sec rapport physique, et rend d’autant périlleuse la gestion des attaques et résonances -on aurait toutefois apprécié davantage de réverbération dans l’acoustique de l’église de Duvbo.

Des étapes comme la Fancy P 73 ou la Gaillarde dédiée à Christian IV en ressortent avec une extraordinaire acuité ; la douloureuse Forlorn Hope Fancy s’égrène avec une rigueur sans secours. Conclu par les inévitables Lachrimae et sa Gaillarde, ce parcours aura véhiculé ce « riche mélange de mélancolie, de joie et de beauté » qu’ambitionnent les lignes de l’interprète, au gré d’un jeu dru. Ces nettes humeurs, intensifiées sans vagabondage, focalisent d’exigeantes et fructueuses voies d’approfondissement pour les amateurs de ce répertoire : une ingénieuse sévérité (trop austère pour l’humour sous-jacent de The Frog Galliard ?), sans autre concession qu’une ornementation très ouvragée, parfois nécessaire (pour habiller la nue trame du Orlando Sleepeth), parfois singulière quand on découvre les abbellimenti au gré de Lady Hunsdon's Puffe

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

 



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