Le piano collé aux doigts
Serge PROKOFIEV
(1891 - 1953)
Dix pièces pour piano tirées du ballet Roméo et Juliette op. 75–Toccata en ré mineur op. 11–Suggestion diabolique op. 4–Sonate n° 6 en la majeur op. 82
Bartlomiej KOMINEK (piano)
2016-DDD–73’ 34’’–Textes de présentation en polonais et en anglais–DUX 1315
On ne mettra jamais assez l’accent sur la place importante qu’occupe Serge Prokofiev dans la musique du piano du XXe siècle. Il a comme sublimé cet instrument, après se l’être approprié selon son instinct, ses goûts et sa griffe à lui, de telle sorte qu’on n’éprouve aucune peine à reconnaître aussitôt ses œuvres pianistiques, en particulier ses cinq concertos et neuf sonates. Toute sa vie, il a eu pour ainsi dire le piano collé au bout des doigts, et ce n’est donc pas un hasard si, en 1937, il a pioché dix thèmes dans son ballet pour orchestre Roméo et Juliette, basé sur la célèbre pièce de William Shakespeare et composé deux ans auparavant, et qu’il les a arrangés pour le piano seul.
Il ne s’agit pas à proprement parler de réduction, puisque cet opus ne contient pas l’intégralité du ballet, mais de transcription, au sens précis du terme. Elle est des plus brillantes, tour à tour (et forcément ?) grave et sarcastique – du Serge Prokofiev pur sucre, que l’excellent pianiste polonais Bartlomiej Kominek joue fort bien, en se gardant de ne pas trop mettre en avant le côté percussif de l’œuvre, afin d’en faire davantage ressortir la musicalité. Cet équilibre, il parvient aussi à le trouver et à le maintenir dans son interprétation de la Toccata en ré mineur, pourtant propice à une exécution toute virtuose, et dans celle de la belle Sonate n° 6 en la majeur, que Sviatoslav Richter a donnée pour la première fois en public à Moscou, en novembre 1940. Serait-ce exagéré – voire stupide – de prétendre que Bartlomiej Kominek joue Serge Prokofiev comme s’il avait affaire à Frédéric Chopin, dont il est aujourd’hui un des meilleurs serviteurs ?
Jean-Baptiste Baronian
Son 9 – Livret 6 – Répertoire 10 – Interprétation 9