Les concerts d'été au Palais princier de Monaco

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Les Concerts d’été au Palais princier de Monte-Carlo sont une initiative de feu le Prince Rainier III. En 1959, le Souverain monégasque a pris l'initiative d'ouvrir chaque été les portes de son Palais pour y accueillir l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo (anciennement appelé Orchestre National de l'Opéra de Monte-Carlo) accompagnant les chefs et les concertistes les plus réputés. 

Le cadre prestigieux de la Cour d'Honneur du Palais avec ses superbes fresques du XVIe siècle font de cet écrin un lieu magique. Le public est en tenue de soirée, veste et cravate exigée pour les messieurs, les dames portent des robes du soir, certaines même longues. C’est la même ambiance qu'au Festival de Salzbourg : mondain, chic, cher et couru. 

Le concert d’ouverture de l’édition 2023 se déroule en présence du Prince Albert pour un concert en hommage à Serge Rachmaninov à l’occasion du  150e anniversaire de sa naissance. Les 900 places de la jauge se sont rapidement vendues, le public était attiré par la présence de la star du clavier Daniil Trifonov 

Il se lance à l’assaut du Concerto n°4 du compositeur russe. Les concertos de Rachmaninov sont les baromètres parfaits de l'évolution des goûts musicaux. On commence généralement par aimer le Deuxième Concerto, on grandit vers le 3e, on découvre ensuite la version révisée du 1er Concerto et on est surpris par le 4e, le moins joué de tous. C'est une combinaison d'expressionnisme romantique tardif et d'impressionnisme presque dans le style de Debussy. S’il ne comporte pas de thèmes mémorables, il dégage une émotion sincère. 

En cette soirée d’été, il fait une chaleur accablante. Les musiciens de l'orchestre souffrent énormément, surtout les instruments à cordes :  ils tiennent difficilement l'accord et les doigts glissent. Daniil Trifonov doit souffrir également, mais avec son look d'ermite, arborant une barbe hirsute, un regard hagard, il semble vivre dans son monde, transporté par la musique. Les parties soliste et orchestrale sont particulièrement délicates à équilibrer. Les meilleures places du point de vue acoustique sont celles des premiers rangs au centre, on entend beaucoup moins bien sur les côtés. Dans les mouvements lents, Trifonov joue les pianissimi avec tant de délicatesse qu'on les entend à peine. Il est noyé par l'orchestre qui joue trop fort. Le son est autrement diffusé qu'à l'Auditorium. On a une seule envie, rentrer chez soi et écouter l'enregistrement sublime du Concerto n°4 par Trifonov et l'Orchestre de Philadelphie sous la direction de Yannick Nézet-Séguin (DGG).  L'applaudimètre est moins fervent que d'habitude et on regrette qu'il n'y ait pas de bis. Trifonov nous avait comblé avec plusieurs bis lors de son récital inoubliable autour de Bach, en octobre 2021.

Il n'y a pas d'interruption et Kazuki Yamada enchaîne avec la Symphonie n°1 de Brahms. L'orchestre et Yamada donnent une performance passionnante. Des sonorités chaudes, des rythmes énergiques, des tempos parfaitement maîtrisés. Il y a un petit moment d'hésitation après la fin de l'exécution de la symphonie et les rappels. Que se passe-t-il ? L'Orchestre reste en place... Le public se lève pour applaudir le départ du Prince.

On se retrouve quelques jours plus tard pour un nouveau concert. La température a un peu baissé, il fait moins étouffant dans la Cour d'Honneur et le public est plus réceptif. L’OPMC a invité le chef Fabien Gabel pour ce programme  estival et festif qui débute avec Blumine de Gustav Mahler est une pièce contemporaine de sa première Symphonie n°1 que le compositeur Mahler avait même inséré dans sa symphonie. La pièce est largement dominée par la trompette solo, comme elle aurait dû servir pour la musique de scène à la pièce de Victor von Scheffell "Le trompettiste de Säckingen".

Fabien Gabel était trompettiste et fils de trompettiste avant de devenir chef d'orchestre et il a cette partition "dans la peau". C'est Gérald Rolland, trompette-solo de l'OPMC, qui interprète la partie solo : ensemble ils font vibrer la Cour d'Honneur.

Le violoniste Gil Shaham rejoint ensuite la scène pour le  Concerto pour violon de Korngold. Il envoûte le public avec sa sonorité chaleureuse, virtuose et pleine de malice. Il communique avec le chef et avec l'orchestre, ils sont tous en parfaite cohésion. Gil Shaham joue d'habitude sur un magnifique Stradivarius, nommé “la Comtesse de Polignac” de 1699. Pour le concert au Palais, il a choisi de jouer sur un instrument moderne. Il est certain que de voyager avec un instrument d'une valeur inestimable, passer d'une température extrême à l'autre, est un risque à ne pas prendre à la légère. La sonorité de l'instrument moderne est un peu en deçà de l'illustre Stradivarius, mais néanmoins tout à fait satisfaisante, compte tenu de toutes les difficultés de jouer en plein air, avec des températures proches d'un sauna...Le public est enthousiaste et charmé, mais malgré les nombreux rappels, le public n'obtient pas son "encore".

Fabien Gabel entraîne ensuite le public dans la Musique des Sphères de Josef Strauss, une partition tourbillonnante, enchaînant une suite de valses. Le concert se termine par La Valse de Maurice Ravel dans la récente édition révisée RAVEL EDITION. Fabien Gabel arrive à illustrer l'atmosphère indescriptible de cette pièce avec son mélange de beauté et d'étrangeté. Il transmet le génie de Ravel dans sa façon de maintenir l'harmonie à la fin de la pièce juste avant qu'elle ne s'effondre. Nous découvrons avec intérêt cette édition critique qui révèle une fin qui sonne avec la violence d’une rafale fauchant l’insouciance des danseurs.  

Monte-Carlo, Palais Princier, les 16 et 20 juillet 2023

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : Michael Alesi – Palais princier de Monaco

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