Les Musiciens et la Grande Guerre (11)

par
Grande Guerre 24

Volume XXIV - Commémoration fraternelle
Requiem d'Alexandre KASTALSKY (*)
Pièces pour orgue de Hans Fährmann, Alfred Herbert Brewer et René Vierne (**)
Ekaterina Yassinskaia (soprano), Lioubov Chichkhanova (orgue), Choeur d'hommes de Moscou "Kastalsky" - Figuralchor de Cologne - Choeur de la Cathédrale de Graz, dir.: Vladimir DEGTIAREV (*) - Sylvain Heili (orgue) (**)
2017 - Live -  66' 13'' - Textes de présentation en russe et en français - chanté en latin et en russe - Hortus 724

Voici déjà le 24ème volume de cette magnifique entreprise commémorant la relation entre la musique et la guerre 14-18. Une fois de plus, la production étonne : après nombre de CD consacrés au répertoire de piano, aux mélodies, ou à la musique de chambre, voici un Requiem. Et russe, de surcroît, comme le souligne le petit drapeau sur la couverture. Il n'existe pas beaucoup de Requiem russes, en dehors de celui de Kabalevsky, également en hommage aux morts de la guerre (40-45), mais totalement profane.
Alexandre Kastalsky (1856-1926) est un élève de Taneiev et de Tchaïkovsky. Spécialiste des choeurs religieux, il enseigna à l'Institut Synodal de Moscou, puis passa du côté du régime soviétique, en écrivant des chants de masse, tout en rédigeant de copieux traités musicologiques. Composé dès 1914, le Requiem "Commémoration fraternelle" a été créé en janvier 1917 à Petrograd, avec grand orchestre. Il en existe une version a capella, et une avec orgue. C'est celle-ci, retenue par Hortus, dans une production très soignée, incluant une présentation d'André Lischke, et un texte de Svetlana Zvereva, qui a préparé la partition. La musique de Kastalsky n'est en rien révolutionnaire, mais fort bien écrite, et son style s'inspire des rites orthodoxes, catholiques et anglicans (image de la Triple Entente en 1914, comme le suggère Lischke ?). Le choeur, omniprésent, est parfois accompagné de cloches, et deux solistes interviennent de temps à autre, une soprano, dans l'Ingemisco, sur une belle mélodie anglaise, et une basse, dans l'Alleluia et surtout dans le Kyrie Eleison, avec des scansions sur "Prions" de plus en plus pressantes, qui en font un des passages mémorables de la partition. L'ambiance est au recueillement, souvent douce et charmeuse, et pourrait parfois se situer entre celle des Requiem de Saint-Saëns et de Fauré (Confutatis, Lacrymosa, Hostias). Dans le Requiem aeternam conclusif, le compositeur fait à nouveau intervenir les cloches et les deux solistes; la coda, avec force cloches, évoque de manière irrésistible les finals grandioses des opéras russes. Après ce beau moment liturgique, le CD conclut par trois pièces pour orgue seul, interprété par Sylvain Heili sur l'orgue Cavaillé-Coll de la collégiale Saint-Pierre de Douai, instrument construit pour le Conservatoire de Petrograd, mais demeuré en France en raison de la guerre. Si la Klage (Plainte), de Hans Fährmann (1860-1940) est bien d'un contemporain de Max Reger, la Marche héroïque d'Alfred Herbert Brewer (1865-1928) penche plutôt vers Elgar, avec un joli trio qui repose de la pompe toute britannique qui l'entoure. Ce CD atypique, mais très réussi,  se termine par une Canzona, méditation calme, de René Vierne, le frère cadet de Louis, (1878-1918), tué par un éclat d'obus quelques mois avant la fin de la guerre.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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