Les trésors cachés de l'orchestre de chambre

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Gustav Mahler (1860-1911)
Lieder eines fahrenden Gesellen (arrangement A. Schönberg)
Ferrucio Busoni (1866-1924)
Berceuse élégiaque, op.42 (arr. E. Stein)
Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
Sechs Gesänge, op.13 (arr. C. Austin)
Richard Wagner (1813-1883)
Siegfried Idyll, WWV103
Katie Bray (mezzo-soprano), Gareth Brynmore John (baryton), Royal Academy of Music soloists ensemble, dir.: Trevor Pinnock
2015 – DDD – 61'00'' – Livret en anglais – Paroles en allemand et anglais – Chanté en allemand – Linn Records CKD 481

A une époque où tout orchestre digne de ce nom devait comporter au moins cinquante musiciens, un nouveau genre se développa : l'orchestre de chambre. Le compositeur Arnold Schönberg, au début du 20ème siècle, fut l'un des grands promoteurs de cette formation inhabituelle d'une dizaine d'instrumentistes, qui permettait de jouer à peu de frais le grand répertoire symphonique. Ce disque du Royal Academy of Music soloists ensemble entend lui rendre hommage à travers une série d'arrangements d’œuvres de cette époque. On y entend deux œuvres instrumentales et deux œuvres vocales, dont l'instrumentation n'a rien à envier à un grand orchestre symphonique. Les jeunes chanteurs, tous deux fraîchement diplômés de la Royal Academy Opera, ont pour eux un timbre homogène et un beau sens de la ligne. On reconnaît bien là l'école anglaise du chant, qui n'a pas fini de former d'excellents interprètes ! La mezzo Katie Bray fait merveille dans Zemlinsky avec son timbre large et ses aigus moelleux. Son interprétation délicate sert fort bien la poésie de Maeterlinck (dans une traduction allemande), toute en évocation. Quant au baryton Gareth Brynmore John, à la voix ronde et caressante, il se distingue dans Mahler par sa sensibilité. Son allemand est très clair, bien qu'on y décèle un léger accent anglais. Hélas, il n'est pas aidé par l'orchestre qui, sans qu'on sache vraiment pourquoi, attaque les quatre mouvements dans des tempi trop lents. Trevor Pinnock – oubliant que les Lieder eines fahrenden Gesellen sont le cri de désespoir d'un Mahler de vingt-cinq ans, prêt à mourir d'amour pour une femme qui le rejette – fait fi du tragique et réduit l’œuvre à une suave (et interminable) musique de salon. Même constat pour Siegfried Idyll de Wagner, où la construction est sacrifiée au profit d'une belle ligne assez vaine. Heureusement, le disque comporte une belle surprise : la Berceuse Élégiaque de Busoni. Très peu jouée de nos jours, l’œuvre fut écrite en 1909, peu après le décès de la mère du compositeur ; austère et poignante, on y trouve du Jongen autant que du Schönberg. L'orchestre rend parfaitement la sobre tristesse de cette musique qui mériterait d'être mieux connue. Une dernière particularité de ce disque : si jamais vous y cherchez les noms des chanteurs, il vous faudra aller directement en page 38 du livret car ils ne figurent nulle part ailleurs, pas même sur la couverture. Un « oubli » peu sympathique pour ces jeunes interprètes, qui sont pour beaucoup dans la qualité de cet enregistrement inégal.
Quentin Mourier

Son 10 - Livret 6 - Répertoire 9 - Interprétation 7

 

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