Levez les yeux vers le ciel Combattimento, la théorie du cygne noir 

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Au Théâtre du Jeu de Paume, nous sommes invités à nous plonger dans un temps à la fois suspendu et perpétué : des Lamentations composées au 17e siècle, remises en perspective, nous suggèrent de mieux réagir peut-être face à notre monde du 21e siècle. Une plongée en musique et en images confondues.

Quelques mots d’explication préalable sont sans doute bienvenus : le spectacle est donc composé de la succession de pièces baroques italiennes, des Lamentations, de la première moitié du 17e siècle. Un âge d’or pour le genre. 

Pourquoi « La théorie du cygne noir » ? C’est, d’après le chercheur et statisticien Nassim Nicholas Taleb, « un événement imprévisible, qui a de faibles probabilités de se dérouler, et dont la réalisation implique des conséquences considérables et exceptionnelles ». 

Pourquoi « Combattimento » ? Parce que le point de départ du projet est justement Il Combattimento di Tancredi e Clorinda de Claudio Monteverdi. Un combat au cours duquel Tancrède finit par tuer son adversaire dissimulé sous une cuirasse. Pour découvrir -« événement imprévisible »- qu’il s’agit de Clorinde, sa tant aimée. Lamentations !

D’autres lamentations suivent, celles d’une mère et d’une fille, elles aussi suscitées par de douloureuses séparations, composées par Tiburtio Massaino, Francesco Cavalli, Giacomo Carissimi et Tarquinio Merula.

Le propos du spectacle se révèle alors : cessez de vous lamenter, de vous complaire dans la douleur, cessez de regarder la boue sur le sol, levez les yeux vers le ciel, vers le jour naissant : « un autre monde possible se lève à l’horizon ». Et ce sont alors d’autres notes, d’autres chants qui se font entendre, ceux de Luigi Rossi, Francesco Cavalli, Tiburtio Massaino et Claudio Monteverdi.

Musicalement, c’est une magnifique expérience, superbement réalisée par Sébastien Daucé à la tête de son Ensemble Correspondances et d’un groupe de huit chanteurs, solistes ou en chœur. C’est fascinant : tous ensemble et chacun pour soi, nous nous retrouvons immergés dans une sorte de temps suspendu.

Visuellement, c’est fascinant, dans la mesure où Silvia Costa nous propose des images scéniques qui ne sont d’abord que des sollicitations sensorielles, dans le jeu abstrait de leurs lumières et de leurs formes, dans quelques gestes non réalistes des chanteurs, dans des métamorphoses vestimentaires inattendues. Ensuite, les interprètes assembleront comme les pièces d’un grand jeu de construction : une ville va surgir… que viendra pulvériser un champignon atomique. Mais cessons de nous lamenter, il faut recommencer à vivre, à recréer, et une femme nue, tranquillement couchée sur le plateau, est l’annonce de cette « renaissance ».

Une proposition originale, délicate, belle injonction et belle promesse.

Aix-en-Provence, Théâtre du jeu de Paume, le 7 juillet 2021

Jean Lacroix

Crédits photographiques :  Monika Rittershaus

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