Une magnifique Sylphide au Palais Garnier

par
Sylphide

Pour achever sa saison, le Ballet de l’Opéra de Paris reprend ‘La Sylphide’, l’ouvrage qui marqua l’avènement du romantisme dans la danse. Conçu en 1832 par Philippe Taglioni pour sa fille, Marie, qui en fit la gloire en donnant l’illusion de « vibrer dans l’air », sur une musique de Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, dans des décors de Pierre Ciceri et des costumes d’Eugène Lami, le ballet fut remanié à Copenhague en 1836 par Auguste Bournonville avec une partition nouvelle d’Hermann Severin Lovenskiold.

Mais en 1971, le chorégraphe Pierre Lacotte, spécialisé dans la reconstitution d’oeuvres historiques tombées en désuétude, décida de remonter ‘La Sylphide’ originale pour la télévision avant de l’adapter pour l’inscrire au répertoire de l’Opéra, ce qui adviendra le 9 juin 1972 avec Noëlla Pontois et Cyril Atanasoff pour têtes d’affiche.
Curieusement, le livret est dû au célèbre ténor Adolphe Nourrit qui créa l’Arnold de ‘Guillaume Tell’ et le rôle-titre dans ‘Robert le Diable’ de Meyerbeer ; songeant à son « Ballet des nonnes » qui incluait du reste Marie Taglioni, il en cultiva l’aspect fantastique. Qu’on en juge : dans un manoir d’Ecosse, James est à la veille de ses noces avec Effie ; mais il s’éprend d’une Sylphide qui lui apparaît dans son sommeil. Alors que surgissent les invités au mariage, il brutalise une vieille qui annonce à Effie que son fiancé ne l’aime pas. Ecartelé entre deux amours, celui-ci voit la figure fantasmagorique lui dérober l’anneau nuptial ; et il la suit dans la forêt. Au tréfonds des bois, la vieille, une sorcière en réalité, et ses compagnes tissent une longue écharpe. Puis dans une clairière, tandis que d’arbre en arbre volent d’immatérielles créatures, James retrouve la Sylphide qu’il tente d’enlacer avec le voile donné par la vindicative magicienne ; mais les ailes s’étiolent, provoquant la mort de celle que ses consoeurs emporteront dans les airs.
Dans les décors et costumes originaux reconstitués par Marie-Claire Musson et Michel Fresnay, la partition de ce timbalier et chef de chant de l’Opéra qu’était Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, interprétée ici par l’Orchestre de la maison sous la direction parfois brouillonne d’Ermanno Florio, n’est pas qu’une simple musique à faire lever les pieds mais préfigure la ‘Giselle’ d’Adolphe Adam tant par sa palette sonore que par sa structure bipartite en un tableau pittoresque et un acte en blanc.
Sur scène triomphent les deux protagonistes : en Sylphide, Myriam Ould-Braham trouve le rôle de sa carrière, donnant l’impression de l’évanescence qui vous permet de frôler le sol. Bien plus convaincante que son Odette/Odile du ‘Lac des Cygnes’, sa composition élégiaque, s’appuyant une technique consommée, est totalement crédible et bouleversante notamment dans ce ‘trio de la vision’ achevant le premier acte où elle se glisse furtivement entre les deux fiancés. Ne lui cède en rien, sous l’angle de la virtuosité, le James éblouissant de Mathias Heymann enchaînant inlassablement sauts, battues, brisés, bonds et entrechats. Et son personnage, d’apparence réservée, exprime continuellement la dualité entre ciel et terre qui l’écartèle. En truchement, Aurélien Houette est un comédien magistral qui dessine une malfaisante sorcière aspirant à la vengeance. Touchante s’avère l’Effie de Mélanie Hurel qui montre une sensibilité à fleur de peau pour camper l’innocente ingénue bafouée par le destin. Face à elle, Alexandre Gasse personnifie avec aplomb Gurn, son fiancé éconduit, alors que Ninon Raux a la grandeur compatissante de la mère d’Effie. Dans le tableau écossais, brille avec éclat le Pas de deux exécuté par ces deux danseurs chevronnés que sont Eléonore Guérineau et Fabien Révillion. Et, comme toujours, l’ensemble du Corps de ballet est remarquable sous l’égide de Pierre Lacotte qui réveille une belle endormie.
Paul-André Demierre
Paris, Palais Garnier, les 3 et 5 juillet 2017

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