Découverte idéale d'un volet moins connu de l'oeuvre de Saint-Saëns

par
Saint Saens

Camille SAINT-SAËNS
(1835-1921)

Mélodies avec orchestre
Yann BEURON (ténor), Tassis CHRISTOYANNIS (baryton), Orchestra della Svizzera Italiana, dir.: Markus POSCHNER
2017-58' 05''- Notice en français, anglais et allemand-Textes des mélodies en français et en anglais- chanté en français-Alpha Classics 273

Les mélodies de Saint-Saëns n'appartiennent pas à ses oeuvres les plus connues, hormis Le Pas d'armes du Roi Jean, et peut-être le cycle des Mélodies persanes. On découvre pourtant des trésors, parmi cet abondant corpus, qui valent ceux de Félicien David ou d'Edouard Lalo, sans parler des chefs-d'oeuvre du premier maître de la mélodie française, Gounod. C'est Berlioz qui a lancé le genre de la mélodie accompagnée d'orchestre, avec ses célèbres Nuits d'été de 1856, genre qui connaîtra un succès foudroyant, du Poème de l'amour et de la mer, de Chausson, de certaines mélodies de Duparc, aux cycles de Mahler, aux Sea Pictures d'Elgar, ou aux Vier Letzte Lieder de Strauss. Saint-Saëns en a composé vingt-cinq, directement pour orchestre, ou orchestrées ultérieurement, dont dix-neuf sont présentées ici par deux magnifiques interprètes spécialisés. Beuron s'est illustré par deux anthologies Fauré et Roussel (Timpani), et Christoyannis par l'intégrale des quatre cycles de Saint-Saëns, précisément (Palazzetto Bru Zane). Ce même Palazzetto a par ailleurs édité toutes les partitions enregistrées, et coproduit le CD. Il n'est pas possible de détailler toutes ces pages, aux climats différenciés. Les Mélodies persanes (1872) sont présentes par trois fois (La Brise, La Splendeur vide, Au Cimetière), dans une orchestration différente de leur reprise - hormis La Splendeur vide - dans la cantate La Nuit persane de 1891. Elles sont toutes chantées par Christoyannis, tout comme le fameux Pas d'armes du Roi Jean, dont nous noterons le joli legato du passage religieux Moines, vierges, porteront de grands cierges. Autre morceau "médiéval", L'Enlèvement convient bien à Beuron. Quant aux autres mélodies, il faut signaler que Saint-Saëns, fin lettré et écrivain lui-même, vénérait Victor Hugo, et a mis plusieurs fois ses poèmes en musique. Six sont ici retenus, parmi les plus célèbres. L'Attente bien sûr, mais aussi Rêverie, l'une des plus pures inspirations mélodiques du compositeur. Beuron y est précieux. Christoyannis brille dans Extase, à la sensibilité frémissante, et l'orchestre y est somptueux, tout comme dans le rare Les Fées de Théodore de Banville. Que signaler encore ? La flûte volubile de Papillons, toute droite sortie de la volière du Carnaval des animaux, l'exquise délicatesse du vers J'aime à revoir encore tout un monde effacé, dans Souvenances, la véhémence de Les Cloches de la mer, sur un poème de Saint-Saëns lui-même, la gravité subite de La Cloche, ou le "charmant laisser-aller de volupté " (Emile Baumann) d'Aimons-nous ? Terminons par la très brève (2' 17'') Danse macabre, à l'origine du poème symphonique que l'on sait. Voilà une anthologie parfaitement interprétée par d'excellents chanteurs, l'un français, l'autre grec, tous deux soucieux de cette prosodie si chère au compositeur. L'orchestre de la Suisse italienne déroule un tapis rutilant sous la direction attentive de Markus Poschner, chef allemand. Quatre nationalités pour un musicien très français certes, mais qui prouve fièrement son universalité.
Bruno Peeters 

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