Marie-Nicole Lemieux et la leçon de chant 

par

Hector Berlioz (1803-1869) : Les Nuits d’été, Op.7 ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Mélodies persanes Op.26 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Shéhérazade, M.41. Marie-Nicole Lemieux contralto ; Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada. 2021 et 2022. Livret en français, anglais et allemand. Texte chanté en : français. 70’54. Warner Classics 504197659409. 

C’est avec une grande impatience que le commentateur met cet album sur la platine pour écouter l’enregistrement tant attendu du couplage Les Nuits d’été d’Hector Berlioz avec la Shéhérazade de Maurice Ravel, double affiche étalon de l’art du chant en langue française. Ces deux partitions sont taillées sur mesure pour les moyens vocaux fabuleux de la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux qui fait les grands jours des salles de concerts à chaque fois qu’elle les chante. 

Dès les premiers vers des poèmes de Théophile Gautier, on admire tant la formidable diction que la beauté plastique du chant. Loin de lectures parfois ternes et appliquées, l’artiste fait briller le timbre chatoyant, profond et lumineux de sa voix. Chaque syllabe ou chaque inflexion du texte est ici perceptible dans une vision très hédoniste et lyrique. Il est intéressant de comparer cette interprétation avec celle gravée aux lendemains du triomphe de la chanteuse au Reine Elisabeth 2000. Certes, il s’agissait de la version pour piano, en compagnie du solide Daniel Blumenthal (un album Cyprès), mais l’évolution de l’artiste est formidable par l’ampleur de la voix et l’engagement musical de chaque note coquées avec un bonheur et une envie tant communicative que galvanisante avec une voix dont la palette des couleurs est désormais assez incroyable.  On monte encore d’un cran avec la  luxuriance de Shéhérazade de Ravel et les saveurs oniriques qui se dégagent de cette interprétation. L’artiste joue autant sur la finesse du trait que sur l'opulence fastueuse d’une séduction totale. Les affinités du chef d’orchestre  Kazuki Yamada avec la musique française sont bien connues et le chef japonais tisse un accompagnement sensible qui laisse la vedette au chant. Sa baguette accompagne avec attention la soliste en étant attentive aux nuances et aux couleurs. L’OPMC, concentré et appliqué, livre une performance de haut vol, avec une citation au tableau d'honneur des vents. Si l’on se limite aux deux œuvres de Berlioz et de Ravel, on tient une très grande référence qui ne cède en rien aux interprétations légendaires. 

Entre ces deux chefs-d'œuvre, la transition se fait avec  8 mélodies persanes de  Camille Saint-Saëns, présentées ici grace au travail du Palazzetto Bru Zane. La comparaison est sévère même si le cycle propose quelques beaux moments comme la dernière mélodie ‘Tournoiement’, rythmée et colorée. Cependant l’ensemble du corpus est inégal avec une orchestration trop besogneuse (Sabre en main) qui conforte l’idée d’un Saint-Saëns composant au mètre. Certes, le timbre de  Marie-Nicole Lemieux est solaire et Kazuki Yamada fait ce qu’il peut pour faire vivre la partie orchestrale, mais on s'ennuie quelque peu devant cette pièce de second ordre. Notons que les vers du fort oublié Armand Renaud, présentent un côté naïf “Comme des chevreaux piqués par un taon / Dansent les beautés du Zaboulistan”.... 

Mais ne boudons pas notre plaisir, l’album mérite l’acquisition pour des lectures fabuleuses de Berlioz et de Ravel. On prendra les Mélodies persanes de Saint-Saëns comme un bonus bienvenu. 

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 (Berlioz et Ravel) / 6 (Saint-Saëns) – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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