Nikolai Lugansky, un pianiste racé

par
Nikolaï Lugansky

Pour achever sa saison 2016-2017, la série ‘Les Grands Classiques’ de l’Agence de concerts Caecilia invite le pianiste Nikolai Lugansky que l’on a souvent applaudi à Genève, notamment en tant qu’interprète de Sergey Rakhmaninov.

Anticipant sa prochaine production discographique, son programme débute par le recueil Les Saisons de Tchaikovski, écrit entre décembre 1875 et mai 1876 pour la revue Le Nouvelliste qui publia chaque mois l’une des pièces. De cet opus 37 bis, la plupart des virtuoses n’en jouent que deux ou trois, dont Barcarolle et Troïka. Nikolai Lugansky relève le défi de donner une couleur à l’ensemble du recueil en énonçant simplement la période de janvier et le Coin du feu qui laisse échapper quelques flammèches, quand l’évocation du Carnaval se zébrera de teintes violentes. En faisant chanter les lignes intérieures, il nimbe d’une poésie tristement mélancolique le Chant de l’alouette, Perce-Neige, Les Nuits blanches virant au drame, tandis que le Chant d’automne est abordé ‘lentissimo’ pour faire place à l’éloquence d’un duo passionné, anticipé par la Barcarolle qui s’attarde sur de savoureuses dissonances. La franchise d’accent caractérise La Moisson d’août, La Chasse de septembre avec ses sonneries de cors, auxquelles feront écho les grelots de Troïka glissant d’abord prudemment sur la neige. Et c’est derrière un rideau de gaze que le rubato finira par profiler un Arbre de Noël devant lequel l’on danse nonchalamment la valse.
La seconde partie est entièrement consacrée à Chopin et débute par l’une des pages les plus redoutables au niveau de l’exécution, la Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur op.61. Nikolai Lugansky l’édifie par grappes d’accords qui se clarifieront par l’usage du rubato ; mais son jeu devient anguleux, voire même ‘tapant’ dans la douloureuse péroraison. Cette tendance à la dureté revient partiellement dans la quadrature rythmique de quatre des mazurkas ; mais le contraste des phrasés éclaircit judicieusement les textures de l’opus 30 n.3 en ré bémol et de l’opus 41 n.4 en la bémol. Par contre, en une seule ligne de chant belcantiste, est négociée la difficile Barcarolle en fa dièse majeur, alors que le début de la Quatrième Ballade en fa mineur baigne dans une nuance ‘piano’ imprégnée de mystère avant de se développer en des contours fortement appuyés et conclure sur un ‘accelerando’ époustouflant. Face à l’enthousiasme du public, l’artiste concède trois ‘bis’, dont deux Etudes de Chopin, celle en tierces op.25 n.6 et celle du passage rapide du pouce op.10 n.8, absolument ahurissantes.                                                 Paul-André Demierre      
Genève, Victoria Hall, 11 avril 2017

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