Scherzandesque
Serge PROKOFIEV
(1891-1953)
Concerto pour violon n° 1 op. 19–Concerto pour violon n° 2 op. 63
Rudolf KOELMAN (violon), Musikkollegium Winterthur, dir. : Douglas BOYD
DDD–2017–49’ 50’’–Textes de présentation en anglais et allemand–Challenge CC72736Composés respectivement en 1923 et en 1935, les deux concertos pour violon et orchestre de Serge Prokofiev sont d’excellents exemples de ce qui caractérise sa musique, bien que le premier ait été écrit à une époque où il était considéré comme le champion des dissonances, et que le deuxième corresponde, lui, à sa brusque conversion à l’idéologie soviétique et à son retour en URSS. Ils sont chacun empreints de lyrisme – une veine qu’on retrouve dans toutes ses œuvres, y compris dans les plus avant-gardistes comme la Suite scythe ou Chout. Il y a du reste chez Serge Prokofiev un sentimental, un émotif, pour ne pas dire un hypersensible, qui a besoin de s’épancher et de se mettre à nu, et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles son œuvre déjoue les courants et les modes. Mais ces deux concertos pour violon sont aussi empreints de grotesque. En avril 1941, dans un numéro d’une revue musicale soviétique, Serge Prokofiev a utilisé à ce propos le néologisme de « scherzandesque », exprimant par là son goût inné pour le sarcasme. Cette dimension, le violoniste allemand Rudolf Koelman la néglige un peu dans l’interprétation qu’il en donne ici. Ou plutôt il donne l’impression de l’étouffer, comme si à ses yeux, elle ne revêtait qu’une importance secondaire. Et Douglas Boyd, à la tête du Musikkolegium Winterthur de 2009 à 2016, en a visiblement une lecture analogue…
Jean-Baptiste Baronian
Son 8 – Livret 5 – Répertoire 10 – Interprétation 7