Pour la première fois à Genève: la Rusalka de Dvorak

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‘Rusalka’, la seule grande œuvre lyrique de Dvorak à s’être imposée sur les scènes, n’a jamais été représentée au Grand-Théâtre de Genève. Pour narrer la mésaventure de cette naïade devenue femme pour l’amour d’un prince en dépit des avertissements prémonitoires de son « petit père » l’Ondin, faudrait-il une mise en scène qui alliât le surnaturel poétique au pittoresque forestier de l’imagerie slave ! La production de Jossi Wieler et de Sergio Morabito, mal reçue au Festival de Salzbourg 2008 et conspuée par le public londonien en février 2012, prétend donner une clé de lecture ; ô combien est-elle réductrice par son prosaïsme vulgaire, accumulant accouplements en tous genres, dans une antichambre de bordel aux tons fluorescents, où l’on étripe un chevreau sur la moquette. Où chercher donc les coloris de la fantasmagorie ? La direction de Dmitri Jurowski, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, donne une extraordinaire fluidité à la narration et maintient la tension jusqu’au dénouement tragique. Camilla Nylund a les moyens d’un grand soprano en mesure de camper les héroïnes ‘blondes’ de Wagner ; et sa Rusalka opte davantage pour le drame que pour la mélancolie. Impressionnant, le Vodnik (l’Ondin) de la basse russe Alexey Tikhomirov, tandis que le Prince de Ladislav Elgr, nobliau fringant en proie à une évidente nervosité, peine à placer ses aigus. Nadia Krasteva ne donne de la Princesse étrangère que l’image d’une intrigante jalouse, quand Birgit Remmert cherche dans les lambeaux de son timbre de quoi suggérer le cynisme de la sorcière Jezibaba. Et le Marmiton de Lamia Beuque a une touchante candeur face aux admonestations de son oncle garde-chasse, incarné par Hubert Francis.
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 13 juin 2013

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