Pour Mozart et Voříšek, l’éternelle jeunesse de Herbert Blomstedt

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Symphonie n° 38 en ré majeur, K. 504 « Prague ». Jan Václav Voříšek (1791-1825) : Symphonie en ré majeur op. 23. Gewandhausorchester Leipzig, direction Herbert Blomstedt. 2020. Notice en allemand, en anglais et en français. 68.50. Accentus ACC 30574.

Tout récemment, le Suédois Herbert Blomstedt (il aura 95 ans le 11 juillet prochain !), confirmait, ce dont personne ne doutait, ses affinités profondes avec Johannes Brahms en signant pour Pentatone de très remarquables Troisième et Quatrième Symphonies avec le Gewandhaus de Leipzig dont il a été le directeur musical entre 1998 et 2005. Cette fois, avec la même formation, un album d’enregistrements publics de septembre 2020 vient affirmer à son tour que Mozart n’a pas de secrets pour lui, et que le compositeur Jan Václav Voříšek, né sept mois avant la disparition de Wolfgang Amadeus et mort d’une tuberculose pulmonaire à 34 ans en 1825, presque au même âge que son aîné, mérite bien un couplage avec la célèbre Symphonie « Prague »

On ne refera pas la biographie de Blomstedt, sauf pour rappeler qu’il a été à la tête de phalanges suédoises, danoises et norvégiennes, de la Staatskapelle de Dresde, du Symphonique de Francisco, du NDR de Hambourg avant Leipzig. Ces dernières années, il officie comme chef invité. Cette infatigable personnalité charismatique, que la notice décrit comme distinguée, charmante, simple et modeste, a la réputation d’avoir des capacités d’autorité naturelle et de respecter les phalanges qu’il dirige, en offrant aux musiciens et aux interprétations du répertoire une grande fidélité à la partition et une précision analytique, ainsi qu’un supplément d’âme qui insuffle à la musique une vie palpitante. On ne pourrait mieux dire ! Ce qu’il nous offre ici est d’une qualité absolue en termes d’émotion, d’intensité, de nuances délicates ou assurées, tout cela au service d’un son séduisant et élégant.

Dans la Symphonie « Prague » créée au Théâtre Nostitz le 19 janvier 1787, huit jours après l’arrivée de Mozart dans la cité tchèque, Blomstedt souligne toute la noblesse d’une partition dont le côté théâtral n’est pas absent. Les tempi sont larges, la majesté s’installe dès l’introduction, dans une plénitude qui va se développer tout au long du premier mouvement servi par des musiciens qui suivent leur chef avec une expressivité et un souci confondant des détails. L’Andante déploie un chant d’un lyrisme lumineux, avant un Presto final vigoureux, aux dialogues savoureux et à l’articulation dynamique. On admire la limpidité du propos et l’investissement, ainsi que la gestion du propos qui, en ce qui nous concerne, relève de l’évidence. On ne fera pas l’injure à Blomstedt de comparer sa version à d’autres gravures : on s’incline, tout simplement, face à la démonstration.

L’unique Symphonie de Voříšek, qui date sans doute de 1821, n’a pas été publiée ni exécutée du vivant du compositeur. Ce pianiste de grand talent, qui fut aussi pédagogue, chef d’orchestre et organiste, avait notamment reçu l’enseignement d’un élève de Mozart, Johann Nepomuk Hummel. Influencé par ailleurs par la musique de Beethoven, qu’il rencontra en 1814 à Vienne où il s’était installé un an auparavant, il se lia d’amitié avec Franz Schubert. L’œuvre qui nous occupe est en quatre mouvements et s’inscrit dans la ligne de ces deux figures majeures, en particulier dans celle des deux premières symphonies du maître de Bonn ; elle démontre que le natif de Bohême était un habile orchestrateur. Une énergie éloquente traverse l’Allegro con brio initial, auquel l’Andante qui suit, avec les violoncelles mis en évidence, apporte un lyrisme bienvenu. Le troisième mouvement propose un magnifique solo de cor, avant un final particulièrement vigoureux. Par le passé, sans remonter trop loin, des chefs comme Mackerras ou Behlolávek ont mis en valeur les qualités de cette page d’un créateur disparu trop jeune ; Blomstedt en souligne avec brio toute la verdeur rustique.

Présenté comme un hommage à Václav Neumann, qui a été directeur musical du Gewandhaus de Leipzig au cours de la décennie 1960, cet album vient s’ajouter avec bonheur à la riche discographie du chef prestigieux qu’est Herbert Blomstedt.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10 

Jean Lacroix

 

 



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