Nouvelle référence pour les concertos pour flûte de Vivaldi, aussi somptueuse qu’inspirée

par

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour flûte Op. 10 no1 en fa majeur RV 433 La Tempesta di Mare, no2 en sol mineur RV 439 La Notte, no3 en ré majeur RV 428 Il Gardellino, no4 en sol majeur RV 435, no5 en fa majeur RV 434, no6 en sol majeur RV 437. Auser Musici. Carlo Ipata, flûte traversière. Novembre 2020. Livret en anglais, français, allemand. TT 47’19. Glossa GCD 923530

La notice de l’éminent Michael Talbot revient sur la collaboration entre le Prete Rosso et l’Ospedale de la Pietà, où les orphelines étaient initiées à l’art musical au point que l’institution vénitienne gagna une notoriété dans toute l’Europe. Ce vivier, ce laboratoire stimulèrent l’imagination vivaldienne. L’une des pensionnaires, la bien surnommée « Luciete traversie », inspira cet ensemble de six concertos pour flûte, « le premier recueil du genre à avoir été publié » selon Carlo Ipata, dans un contexte où s’émancipe le traverso, en France, en Allemagne, en Italie. L’opus 10 publié par Le Cène en 1729 à Amsterdam recycle cinq concertos préexistants sous d’autres accompagnements, et emprunte à des thèmes déjà familiers des oreilles contemporaines, puisés à des œuvres instrumentales ou scéniques de leur auteur. L’édition néerlandaise est spécifiée avec « violino primo, violino secondo, alto viola, organo e violoncello ». Le présent enregistrement se dispense de l’orgue mais complète cet effectif par des cordes pincées (clavecin et théorbe) qui éclairent la trame du continuo, et par une contrebasse qui contribue à l’assise et au relief.

La discographie de la mouture initiale da camera avec bois reste dominée par la lecture puissamment imaginative de Frans Brüggen (alternant flûte à bec et traversière) avec l’Orchestre du XVIIIe siècle (Seon, janvier 1979), et par le furieux kaléidoscope de Giovanni Antonini & Giardino Armonico (Teldec, novembre 1990). Pour l’édition néerlandaise, certains enregistrements optèrent à contre-emploi pour la flûte à bec, y compris des virtuoses comme Jean-Claude Veilhan (CBS, avec Jean-Claude Malgoire) ou Michala Petri (RCA, avec Claudio Scimone). À la flûte traversière, on admire toujours Lisa Beznosiuk épaulée par l’orchestre de cordes de Trevor Pinnock (Archiv, décembre 1987), et Stephen Preston serti dans l’écrin ajusté par l’Orchestre du XVIIIe siècle (L’Oiseau-Lyre, juillet 1976).

À un pupitre d’archets par partie, Auser Musici étonne par la plénitude de son décor, l’opulence de son matériau, la souplesse de son articulation, à la fois précise et charnue. D’épais rameaux soutiennent le ramage du Chardonneret, qui chante avec un art consommé, se fondant dans ce confortable massif. Le Cantabile central de ce Gardellino ne cède pas à l’effusion mais se pique d’élégance, admirablement cadrée par Valeria Brunelli et Ugo di Giovanni ; le final prend son essor propulsé par l’entrain des cordes et le scintillant clavecin de Federica Bianchi. L’allegro de La Tempête soulève une mer grasse, des vents visqueux. Les Fantasmi de La Notte s’échauffent dans des drapés tendus en maître ; l’autre presto ravit par son art du contraste. Le soliste italien et son équipe nous offrent une réalisation qui relève plus du chic que du choc. Elle réconcilie poésie et somptuosité, finesse et onctuosité. Un inépuisable soin du détail prodigue à ces partitions tout le tact qu’elles méritent mais obtiennent rarement à ce degré de raffinement (la délicate extinction du finale RV 435). Cette interprétation flatteusement captée rejoint les plus fiables références du catalogue.

Son : 9,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 



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