Premier enregistrement de cantates et arias de Mohrheim

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Musica Baltica 10. Friedrich Christian Samuel Mohrheim (1719-1780) : Cantates et Arias. Der Herr ist mit mir. Uns ist ein Kind geboren. Ehre sey Gott in der Höhe. Tochter des Himmels. Auserwählte Schar. Der Herr ist Gott, der uns erleuchtet. Siri Karoline Thornhill, soprano. Franziska Gottwald, alto. Virgil Hartinger, ténor. Stephan MacLeod, basse. Goldberg Baroque & Vocal Ensemble, direction Andrzej Mikołaj Szadejko. Octobre 2021. Livret en anglais, français, allemand. Texte des chants et traduction en anglais, français, polonais. TT 73’51. SACD multicanal. MDG 902 2254-6.

Élève à la Thomaskirche de Leipzig, le jeune Friedrich gagna son pécule en recopiant des partitions de Johann Sebastian Bach qui l’avait accueilli, dont la Passion selon Saint Matthieu. Une quinzaine d’années plus tard, on le retrouve à Danzig comme claveciniste accompagnant en récitals sa première épouse, prématurément disparue en 1749. Il se lia en seconde noce à la fille de Johann Balthasar Christian Freislich (1687-1764), maître de chapelle de la Marienkirche, qui avait déjà été abordé dans un précédent volume de la collection Musica Baltica. Le gendre ne tarda pas à s’imposer sur la scène musicale de la cité hanséatique, comme organisateur de concerts et compositeur, dont des oratorios et cantates. Un rôle qui s’intensifia après la mort de son beau-père, en alimentant les offices religieux et autres célébrations officielles, sans compter une charge d’enseignement auprès des garçons de l’école de l’église Sainte-Marie.

Certaines partitions, comme l’oratorio Die Zerstörung der Stadt Jerusalem, sont perdues. Mais une centaine d’autres survivent, dont des pièces d’orgue habituées des récitals consacrés au fonds septentrional -au milieu des années 1980, Oskar Gottlieb Blarr et Jan Janca en livrèrent des échantillons sur le Hillebrand-Orgel de la Marienkirche, chez les labels DHM et MDG. Les pages vocales que nous propose cet album sont toutes enregistrées pour la première fois si l’on en croit le docteur Szadejko, instigateur et directeur artistique de cette collection Musica Baltica. Selon sa notice, le style de Mohrheim « se caractérise par une combinaison habile entre l’esthétique galante et empreinte de sensibilité de son époque, et une manière relativement conservatrice » qui se souvient des conduites polyphoniques de son maître Bach.

On aurait apprécié une présentation plus détaillée de ces œuvres exhumées de la Polska Akademia nauk Biblioteka Gdanska, qui illustrent diverses circonstances liturgiques, principalement vouées à l’Annonciation (Der Herr ist mit mir) et à la Nativité (Uns ist ein Kind geboren ; Ehre sey Gott in der Höhe), mais aussi la Pentecôte (Der Herr ist Gott, der uns erleuchtet) et la fête de Saint-Michel. À la tête du Goldberg Ensemble qu’il fonda en 2008, Andrzej Szadejko a encore su s’entourer d’un valeureux panel de chanteurs. Parmi les moments ravissants, dévolus aux voix féminines, on citera la subtile marquèterie des duetti Immanuel, der Väter Hoffen et O ewiger Vater, Du Quelle des Lichts, l’aria Zerfliess, mein Herz confiée à Franziska Gottwald, l’aria Du gehst voran confiée à Siri Karoline Thornhill. On salue l’intonation précise et le souffle contrôlé de Stephan MacLeod dans Tochter des Himmels et So schmückt die Herzen. Le timbre claironnant de Virgil Hartinger épouse parfaitement la glorification du Auserwählte Schar, enluminée par une périlleuse répartie de trompette.

Dans le vaste vaisseau de l’église de la Trinité de Gdansk, la quinzaine de choristes se spatialisent dans toute l’ampleur souhaitable, l’éclat des cuivres et timbales résonne avec majesté. L’orchestre de cordes et vents (quels délicats traversos aux bouches de Maja et Aleksandra Wisniewska !) tisse un délicat cocon autour des solistes, garant d’une humble ferveur. Très scrupuleuse, la direction semble guidée par la minutie plutôt que la démonstration d’autorité. On souhaiterait souvent que l’accompagnement éclose d’une expression moins timorée. Mais cette prudence est aussi garante de l’émotion châtiée qui se dégage de cet attachant portrait. Disque après disque, l’équipe réunie autour d’Andrzej Mikołaj Szadejko sait maintenir l’intérêt autour de cette patrimoniale revitalisation du répertoire instrumental et vocal de la cité danzigoise au XVIIIe siècle.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8,5

 

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