Prokofiev pour deux
Serge PROKOFIEV
(1891 - 1953)
- Cinq Mélodies pour violon et piano op. 35 bis–Sonate n° 1 pour violon et piano op. 80–Sonate n° 2 pour violon et piano op. 94
Aylen PRITCHIN (violon), Yury FAVORIN (piano)
DDD–2018–66’ 40’’–Textes de présentation en russe et en anglais–Melodyia 10 02524
- Douze Mouvements tirés de Roméo et Juliette–Le Fantôme du père tiré d’Hamlet–Mazurka et Polka tirées d’Eugène Onéguine–Polonaise tirée de L’As de pique–Valse de Pouchkine en ut dièse mineur–Valse de Natacha et Andreï tirée de Guerre et Paix–Idée fixée tirée de L’As de pique
Martha ARGERICH (piano), Sergei BABAYAN (piano)
DDD–2018–60’ 12’’–Textes de présentation en anglais, allemand et français–Deutsche Grammophon 479 9854
D’où vient l’extrême séduction que n’arrêtent pas d’exercer les œuvres de Serge Prokofiev, y compris la grande majorité de celles qu’il a composées après 1938, quand il est allé s’installer en URSS et qu’il s’est mystérieusement converti au soviétisme ? En grande partie au fait qu’elles sont remarquables au plan harmonique et qu’elles sont presque toutes dénuées de faille technique. Sans compter que Serge Prokofiev est à l’aise dans tous les registres, l’opéra, l’oratorio, la symphonie, le concerto, le ballet, la musique de chambre, la musique de film.
Le premier de ces ceux disques nous invite à entendre des pièces pour violon et piano. Il débute par les Cinq Mélodies, qui sont à l’origine des pièces écrites pour la cantatrice Nina Kochitz en 1921, à New York, et que Serge Prokofiev, quatre ans plus tard, a donc transcrites pour violon et piano. Tout son art de combiner rythme, vélocité – une vélocité étourdissante – et lyrisme y apparaît presque à chaque mesure, et on les écoute avec d’autant plus de plaisir que leurs deux interprètes russes, Aylen Pritchin au violon et Yury Favorin au piano, qui sont âgés l’un et l’autre d’une trentaine d’années, forment un duo en parfaite symbiose. D’ailleurs, ils ne se désunissent à aucun moment en jouant la Sonate en fa mineur op. 80 et la Sonate n° 2 en ré majeur op. 94. On l’oublie trop souvent, mais celle-ci constitue la transcription fidèle pour violon et piano de la Sonate pour flûte et piano (même opus) menée à bien en 1944, à la demande expresse de David Oistrakh, et créée par lui dans la Petite salle du Conservatoire de Moscou, avec Lev Oborine (Sviatoslav Richter était le pianiste de la version originale, aux côtés du flûtiste Nikolaj Charkowski). Trois très belles exécutions.
Son 9 – Livret 5 – Répertoire 10 – Interprétation 9
Le second disque, lui, ne contient que des transcriptions, mais en l’occurrence pour deux pianos. Elles ont été réalisées par Sergei Babayan à partir de célèbres musiques de scène de Serge Prokofiev composées entre 1936 et 1949 : Roméo et Juliette, Hamlet, Eugène Onéguine, L’As de pique et Guerre et Paix. Toutes sont dédiées à Martha Argerich, et c’est comme si Sergei Babayan les avait façonnées pour qu’elle puisse les jouer selon son tempérament propre – ce tempérament aujourd’hui légendaire, mélange unique de fougue, d’audace, de sensibilité, de virtuosité, de musicalité et d’intelligence. Il va sans dire que Martha Argerich est chez elle, dans son jardin, dans son alcôve, lorsqu’elle interprète l’œuvre de Serge Prokofiev, laquelle lui est familière depuis ses débuts et qu’elle a mise à son répertoire dès ses seize ans, lors de sa participation victorieuse au Concours Busoni à Bolzano, en 1957. Elle la sent comme peu d’autres de ses consœurs et de ses confrères, à croire qu’elle en serait la principale dépositaire, après la disparition de Sviatoslav Richter (décédé en 1997). Oui, on doit le souligner, il y a quelque chose de spectaculaire, voire de racoleur, dans cette production, mais il serait inconvenant de la condamner pour ce genre de motif.
Jean-Baptiste Baronian
Son 9 – Livret 8 – Répertoire 8 – Interprétation 9