Rattle revient à la 9° de Mahler, avec l’orchestre de la Radio bavaroise

par

Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie no 9 en ré majeur. Simon Rattle, Orchestre symphonique de la Radio bavaroise. Novembre 2021. Livret en anglais, allemand. TT 78’50. BR Klassik 900205

En juin 1980, Simon Rattle gravait à l’âge de vingt-cinq ans une mémorable lecture de la Symphonie no 10 (version Derick Cooke II) avec son orchestre de Birmingham, qui contribua à asseoir sa réputation, et préluda à une quasi-intégrale des neuf symphonies avec cet orchestre pour Emi, complétée avec d’autres : la Cinquième à Berlin (septembre 2002) et la Neuvième à Vienne (décembre 1996). En octobre 2007, il réenregistra avec le Berliner Philharmoniker l’ultime symphonie achevée par Mahler, quoique celui-ci ne l’entendit jamais et ne put l’amender après le test du concert. En cet opus, c’est donc le troisième témoignage du maestro anglais qui nous arrive ici avec ce live capté à Munich, alors que l’on venait d’apprendre qu’il était appelé pour une durée de cinq ans à diriger l’orchestre de la Radio bavaroise à compter de la saison 2023-2024. Une phalange qui s’était déjà distinguée dans la célèbre intégrale de Rafael Kubelik pour DG, dans une veine décapante et objectivée.

Alors que ses affinités avec les monuments brucknériens n’ont jamais vraiment semblé patentes, la direction frémissante du chef trouve un terrain d’expression plus adapté dans les partitions mahlériennes telles que la Neuvième. Une conduite sensuelle et subtile caresse d’une main sûre l’Andante comodo. Les premières mesures, blafardes et hésitantes, permettent illico de jauger si un chef est au diapason de ce tableau raffiné et décadent, qui oscille entre nostalgie et crise existentielle. Rattle ne brusque pas les ambiances et installe progressivement une dramaturgie émotionnelle en demi-teintes, finement pigmentée, voire chambriste. Ses propos consignés dans la notice estiment que l’Adagio conclusif « n’est pas un dernier adieu. Et ce n’est en aucun cas sentimental, mais plutôt stoïque », et c’est ainsi qu’il est dirigé avec tact, explorant les pores les plus ténues, mais sans exutoire lacrymal, jusqu’à une expiration peaufinée, impalpable.

On reste un peu plus réservé lors des deux acerbes mouvements centraux : le Ländler s’entend souplement guidé, les traits d’archets se veulent tranchants du moins très travaillés, mais ses convulsions n’endossent pas toujours la densité et la férocité attendues. Quelle superbe industrie toutefois, articulée au cordeau, à laquelle ne manque, derrière le soin du détail, que cet ultime degré d’abandon dans les transitions et de vertige dans les saillies. La coloration des bois aurait pu se faire mieux persifleuse. Et peut-être qu’une prise de son plus pimpante aurait optimisé le relief de ce discours qui au demeurant ne tarit pas d’autorité. 

Le Rondo-Burleske pâtit aussi de cette physionomie un peu tassée, c’est dommage car la tension n’y faiblit pas (même dans les médianes intercessions de tendresse) et les pupitres bavarois sont chauffés à blanc, raillant avec art, même si d’autres baguettes plus explosives surent encore mieux dynamiter cette sorte de satire du confort Biedermeier. Étant dit que la conclusion sur les chapeaux de roue, même si un peu factice dans son placardage, ne laissera aucun auditeur sur sa faim. Globalement, cette remarquable interprétation illustre un rapport aussi spontané que juste envers un cosmos naviguant entre satire et désillusion. Elle tient son rang dans la discographie du chef et de l’œuvre, et augure du meilleur pour la toute prochaine contractualisation de Sir Simon à ce podium.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

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