Resquiescat in Pace

par

Harry Halbreich

Harry est mort. Nous savions sa santé déclinante mais cette annonce est tombée tel un couperet, tranchant, froid et cruel. On le croyait éternel. Son héritage le restera.
C'est au Conservatoire que j'ai connu Harry; j'étais son élève au cours d'analyse musicale. Que d'horizons il m'a ouverts dans ce milieu confit dans ses certitudes ! Il s'émerveillait des finesses d'écriture chez un compositeur, s'autorisait aussi des jugements tranchants s'il les trouvait "inintéressants". Mais la passion qu'il communiquait nous amenait à faire plus tard nos propres choix, et il ne nous en tenait pas rigueur. Une musique qui lui parlait profondément pouvait lui faire monter des larmes. Mais il tapait rageusement du pied lorsqu'il évoquait le Général Franco. Il haïssait plus que tout les dictatures.
Aussi, lorsque, des années plus tard, vint l'heure de Crescendo, je pensai aussitôt à Harry. D'accord, me dit-il, et quand je m'ennuierai, je partirai ! D'ennui, il ne fut jamais question. Je me souviens de réunions de rédaction où était proposé un grand dossier de couverture. S'il le trouvait inintéressant, il s'en dégageait -pas toujours de bonne foi !-, mais si sa passion le faisait sien, il s'en emparait et en déroulait illico les contenus. Il eût suffi de l'enregistrer pour s'épargner tout le travail ultérieur. Il était comme cela, Harry. Il était intéressé ou il ne l'était pas, et alors la chose cessait d'exister. Un reste d'enfance nourrissait son génie.
Mais pour lui, la musique n'était pas seulement l'art de combiner les sons. Elle était le moteur d'une vie spirituelle qu'il cultivait plus que toute autre. Il n'avait pas peur de la mort, il était en ligne directe avec les mystères de la foi et de la vie éternelle.
Repose en Paix, Harry, pour toi commence peut-être ta vraie Vie. Une chose est certaine, ce que tu as donné restera pour beaucoup un moteur de leur Humanité.
Bernadette Beyne

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