Salzbourg 2019 : une exploration des mythes !

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Du 20 juillet au 31 août, le festival de Salzbourg présente 199 représentations (opéra, concert, théâtre). Neuf opéras sont à l’affiche, dont cinq nouvelles productions : Idomeneo (Mozart), Médée (Cherubini), Œdipe (Enescu), Orphée aux Enfers (Offenbach) et Simon Boccanegra (Verdi) ; deux reprises : Alcina (Händel) et Salome (R. Strauss) ; et deux en version concert : Adriana Lecouvreur (Cilea) et Luisa Miller (Verdi). Et aussi la production destinée aux enfants : Der Gesang der Zauberinsel (Marius Felix Lange) interprété par les membres du « Young Singers Project ».

Les opéras en version concert sont surtout des attelages de stars, moins alléchants quand la star en question, Anna Netrebko en l’occurrence, déclare forfait pour Adriana Lecouvreur et que le public trouve alors le prix des places (jusqu’à 330 euro) quand même un peu cher !

Quatre des opéras en version scénique étaient inspirés des mythes anciens : Médée, Idomeneo, Orphée aux Enfers et Œdipe. Leurs représentations ne pouvaient être des plus différentes ! Mais Médée, Orphée et Œdipe avaient malheureusement en commun la mauvaise projection du texte français dont il était souvent impossible de comprendre un seul mot !

La mise en scène de Médée de Cherubini était confiée à l’Australien Simon Stone qui a surtout proposé un spectacle visuel avec de multiples changements de décors (Bob Cousins), costumes (Mel Page), lumières (Nick Schlieper) et une foule de figurants, aboutissant à des scènes assez pittoresques et vivantes où se perd la vraie tension dramatique. Ainsi de la conversation téléphonique de Médée et Créon devenu patron d’un nightclub que Stone nous montre en pleine activité. Car, bien sûr, le mythe est actualisé et avec images vidéo, scènes parallèles et ajouts de textes parlés, écrits par Simon Stone et reflétant les états d’âme de Médée. Et Néris chante ses consolations à l’image télévisée de Médée tandis qu’elle, à l’aéroport, tente de convaincre Créon de la laisser entrer le pays ! Dans la scène finale, nous retrouvons Médée dans une station-service où elle enferme ses fils dans sa voiture avant d’y mettre le feu, entourée d’une foule -Jason et pompiers inclus- qui, à aucun moment, ne tente un geste pour la maitriser ! Un grand bravo à la soprano russe Elena Stikhina qui a su exprimer la passion, le désespoir et la vengeance de Médée d’une voix expressive et ample. Son engagement scénique est total, son interprétation de la musique de Cherubini assez personnel mais, en tout cas, plus convaincant que celui de Pavel Cernoch qui campe un Jason plutôt distant et vocalement assez faible. Rosa Feola donne charme et émotion à Dircé et Alisa Kolosova chante Néris d’une voix chargée d’émotion. Vitalij Kowaljow est un Créon rugissant. Thomas Hengelbrock dirige l’ensemble, le Wiener Staatsopernchor et le Wiener Philharmoniker dans une exécution assez sage.

Sous la direction d’Ingo Metzmacher, le Wiener Philharmoniker est beaucoup plus inspiré pour s’engager dans la tragédie lyrique Œdipe de George Enescu, un opéra qui connaît une vraie renaissance ces dernières années. Le festival a choisi la Felsenreitschule (le Manège des Rochers) pour cadre de cette fresque imposante et il en a confié la mise en scène à Achim Freyer, responsable aussi du décor et des costumes, avec Franz Tscheck pour les lumières et Benjamin Jantzen pour la vidéo. Toute une équipe pour présenter, finalement, un spectacle qui vit surtout de la musique, ce document de son temps (1910-1931) auquel rendent justice les mains caressantes et stimulantes d’Ingo Metzmacher, le son luxueux et l’impact dramatique du Wiener Philharmoniker. Il y a bien sûr les chanteurs qui ont donné vie et voix à ces personnages davantage issus du cosmos multicolore et personnel de l’artiste Freyer que du monde du mythe. Quelle idée aussi de présenter Œdipe tel un hybride de Rocky et Hulk ! Pauvre Christopher Maltman, condamné à composer le personnage mais capable pourtant de rendre à Œdipe son destin et de nous émouvoir. Il était entouré d’une distribution méritoire de poupées humaines évoluant dans les costumes fantaisistes de Freyer peu soucieux d’identifier les personnages. Est-ce parce qu’il est aveugle que Tirésias se promène tout enveloppé d’une sorte de linceul blanc des profondeurs duquel sort la basse bien reconnaissable –mais, hélas, aussi très fatiguée- de John Tomlinson ? Belles prestations vocales, engagées, d’Eve Maud (le Sphinge), Chiara Skerath (Antigone), Anaïk Morel (Jocaste), Brian Mulligan (Créon) et du reste de la distribution comme des chœurs. Le public, impressionné, a réservé une ovation à toute l’équipe.

Erna Metdepenninghen

Salzbourg, les 16 et 17 août 2019

Crédits photographiques : Monika Rittershaus

 

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