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A Genève, un Parsifal bien misérable

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Dans le programme du Parsifal donné actuellement au Grand-Théâtre de Genève, figure un article, Wagner ou la douleur du monde, dû au metteur en scène Michael Thalheimer qui note : « La première chose qui me vient à l’esprit à propos de Parsifal -et c’est positif- est que cette œuvre est impossible… J’essaie de me concentrer sur l’histoire, les protagonistes et le chœur. Je tente vraiment de raconter sur scène, bout à bout, cette histoire impossible. Cela me procure beaucoup de plaisir, ainsi qu’aux chanteurs ».

Et toi, pauvre spectateur, en as-tu autant, toi qui, dès les premières mesures d’orchestre, vois un homme en maillot de corps et en pantalon de jogging blanc, arpentant un chemin sans fin entre deux parois sur plateforme pivotante et croisant un malheureux hère qui trébuche avec ses béquilles pourries ? Alors que Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande étirent avec une louable précision un Prélude trop uniforme, l’on finit par comprendre que nous avons affaire à un Parsifal dans la force de l’âge, confié au timbre de ténor barytonnant de Daniel Johansson, côtoyant le Gurnemanz maculé de sang de la basse Tareq Nazmi dont il faut admirer autant l’intelligence de phrasé que la performance ‘sportive’ de plier en deux sa longue silhouette durant deux actes interminables. Vêtue par Michaela Barth d’un tailleur-pantalon noir et talons hauts, paraît la Kundry de Tanja Ariane Baumgartner, cherchant sa voix durant toute la première partie, reléguant aux oubliettes les râles de la sauvageonne pour se figer côté jardin et fumer sa pitoyable existence en volutes de cigarillo. Par quatre écuyers est amené Amfortas, lui aussi entaché de sang, incarné par Christopher Maltman qui, une fois passé le dialogue initial, laisse ses douloureuses imprécations se répandre avec une intensité expressive notoire. Sur des sonneries de cloches bien lointaines est développée une Verwandlungsmusik guère impressionnante tandis que le décor conçu par Henrik Ahr s’entrouvre pour laisser place à une niche où se juchera le prêtre-roi s’adressant à la confrérie de chevaliers qui ne réunit ici que des garçons-bouchers badigeonnant les murs d’hémoglobine. Néanmoins, leur choral « Zum letzten Liebesmahle » est magnifiquement négocié par les voix d’hommes du Chœur du Grand-Théâtre (préparées soigneusement par Alan Woodbridge) et constitue enfin le premier élément positif de ce premier acte. Tandis que résonnent les graves saisissants du Titurel de William Meinert, l’apparition du Graal est suggérée par une lumière blanche descendant des cintres sur les mystérieux « Selig in Liebe ! Seling’ im Glauben ! » égrénés par les jeunes de la Maîtrise du Conservatoire Populaire de Genève.

Chez Naxos, une anthologie éclectique  pour les 150 ans de la naissance de Vaughan Williams

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Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Symphonies n° 1 « A Sea Symphony », n° 2 « London », n° 5 et n° 9 ; Ouverture « Les Guêpes » ; Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis ; Norfolk Rhapsody n° 1 ; In the Fen Country ; Fantaisie sur « Greensleeves » ; Concerto grosso ; The Solent ; Fantaisie pour piano et orchestre ; Six petites pièces pour piano ; The Lark Ascending ; Phantasy Quintet ; Quatuors à cordes n° 1 et n° 2 ; Toward the Unknown Region, pour chœur et orchestre ; Willow-Wood, cantate pour baryton et orchestre ; The Voice out of the Whirlwind, motet pour chœur et orchestre ; Five Variants for Dives and Lazarus, pour cordes et harpe ; The Sons of Light, cantate pour chœur et orchestre ; Messe en sol mineur ; Three Choral Hymns ; A Vision of Aeroplanes et quatre pages de musique chorale sacrée. Jennifer Pike, violon ; Garfield Jackson, alto ; Joan Rodgers, soprano ; Christopher Maltman et Roderick Williams, barytons ; Orchestre symphonique et Chœurs de Bournemouth, direction Paul Daniel et Kees Bakels ; New Zealand Symphony Orchestra, direction James Judd ; Orchestre de chambre de New York, direction Salvatore Di Vittorio ; Orchestre et Chœurs du Royal Liverpool Philharmonic, direction David Lloyd-Jones ; The Choir of Clare College de Cambridge, direction Timothy Brown, Quatuor Maggini ; solistes divers. 1993-2015. Notices en anglais (et en allemand à deux reprises). 504.25. Un coffret de huit CD 8.508021.  

Didon et Énée de Purcell à l’Opéra-Comique en 2008 : réédition sur DVD

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Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Énée, opéra en un prologue et trois actes. Malena Ernman (Didon), Christopher Maltman (Énée), Judith van Wanroij (Belinda), Hilary Summers (la Magicienne), Lina Markeby (la Seconde femme), Céline Ricci (la Première sorcière), Ana Quintans (la Deuxième sorcière), Marc Mauillon (l’Esprit), Damian Whiteley (le Matelot), Fiona Show (la comédienne du Prologue) ; Les Arts Florissants, direction William Christie. 2008. Notice et synopsis en anglais et en français. Sous-titres en anglais, en français, en allemand, en italien, en japonais et en coréen. 66.00. Un DVD Naxos 2. 110709. Aussi disponible en Blu Ray.

J’ai vaincu le destin : Œdipe de Georges Enesco 

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Une œuvre rare qui emporte ses spectateurs, une production qui suscite l’adhésion, une superbe performance du baryton Christopher Maltman dans le rôle-titre.

Cette oeuvre, rarement représentée, est le seul opéra du compositeur roumain Georges Enesco. En quatre actes et six tableaux, elle est créée à l’Opéra Garnier en mai 1936. Edmond Fleg en a écrit le livret, versifié, en langue française, et qui réunit deux tragédies de Sophocle : « Œdipe-roi » et « Œdipe à Colonne ». 

Nous partageons la terrible histoire, la terrible « destinée » d’Œdipe, dont la vie est déterminée dès le jour même de sa naissance. Laïos, son père, avait enfreint l’interdiction de procréer, punition d’un viol qu’il avait commis. Le devin Tirésias se fait alors le messager des dieux : cet enfant sera l’assassin de son père et l’époux de sa mère. Evidemment, comme dans toute tragédie, les efforts des uns et des autres pour éviter le pire ne font que le précipiter. Œdipe lui-même : averti de cette prédiction, le jeune homme qu’il est devenu, déchiré, quitte ceux qu’il croit être ses parents pour éviter qu’elle ne se réalise. En fait, c’est ainsi qu’elle s’accomplira.

Ce récit mythique -et qui nourrira tant de réflexions de tous types, n’est-ce pas M. Freud- abonde en séquences fortes : les prédictions et les révélations de Tirésias ; l’assassinat de Laïos par celui qui ignore qu’il en est le fils ; la résolution de l’énigme de la Sphinge (« L’homme est plus fort que le destin »), qui libère Thèbes de la peste ; en récompense, le mariage de celui qui ignore qu’il en est le fils, avec Jocaste ; la découverte de l’horrible vérité : Jocaste se suicidant, Œdipe se crevant les yeux et se mettant en route, guidé par sa fille Antigone. Jusqu’à la rédemption finale : « J’ai vaincu le destin », la paix, la sérénité enfin acquise, enfin conquise. 

Salzbourg 2019 : une exploration des mythes !

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Du 20 juillet au 31 août, le festival de Salzbourg présente 199 représentations (opéra, concert, théâtre). Neuf opéras sont à l’affiche, dont cinq nouvelles productions : Idomeneo (Mozart), Médée (Cherubini), Œdipe (Enescu), Orphée aux Enfers (Offenbach) et Simon Boccanegra (Verdi) ; deux reprises : Alcina (Händel) et Salome (R. Strauss) ; et deux en version concert : Adriana Lecouvreur (Cilea) et Luisa Miller (Verdi). Et aussi la production destinée aux enfants : Der Gesang der Zauberinsel (Marius Felix Lange) interprété par les membres du « Young Singers Project ».

Les opéras en version concert sont surtout des attelages de stars, moins alléchants quand la star en question, Anna Netrebko en l’occurrence, déclare forfait pour Adriana Lecouvreur et que le public trouve alors le prix des places (jusqu’à 330 euro) quand même un peu cher !

Quatre des opéras en version scénique étaient inspirés des mythes anciens : Médée, Idomeneo, Orphée aux Enfers et Œdipe. Leurs représentations ne pouvaient être des plus différentes ! Mais Médée, Orphée et Œdipe avaient malheureusement en commun la mauvaise projection du texte français dont il était souvent impossible de comprendre un seul mot !

Gio le taxi. Don Giovanni en conclusion des Chorégies 2019.

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Le grand Patrice Chéreau disait de Wagner lorsqu’il mettait en scène son Ring du centenaire à Bayreuth en 1976 qu’il le « poussait à faire toujours plus de théâtre ».  Nous repensons souvent à ces mots quand nous découvrons la nouvelle lecture d’un opéra mais cette maxime prend tout son sens avec le Don Giovanni proposé ce mardi soir aux Chorégies d’Orange.

Œuvre intimiste à son origine, elle devient par la force des lieux un grand spectacle… à caractère sociétal. Car derrière les frasques du « scélérat charmant », c’est bien une lutte entre ancien et nouveau monde, entre ordre et désordre qui s’opère. C’est en tout cas ce que nous pensons être le postulat de départ de la mise en scène de Davide Livermore épaulé par Rudy Sabounghi (costumes), Antonio Castro (lumières) et D-Wok (vidéos). Replacer Mozart et Don Juan dans leur contexte historique et idéologique, celui de cette Europe des lumières à la veille de l’implosion, tout en montrant que ces aspirations sont toujours bien actuelles. Il suffit de suivre les évènements récents pour s’en convaincre. Alors Don Giovanni gilet jaune dans l’âme ? Nous n’irons pas jusque-là mais ange destructeur d’un modèle de société dépassé c’est une certitude !