Sir Simon Rattle et le LSO à la Philharmonie du Luxembourg

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Tout comme le Gewandhaus de Leipzig et Andris Nelsons la semaine passée, le London Symphony Orchestra et Sir Simon Rattle ont charmé le public de la Philharmonie du Luxembourg durant deux soirées consécutives. Pour l’occasion, les musiciens de l’orchestre londonien nous ont concocté deux programmes très différents, l’un consacré à la musique américaine et l’autre au Concerto pour violon en ré majeur de Johannes Brahms et à la Symphonie No.4 de Dmitri Chostakovitch. 

La première soirée fut remplie de découverte pour le public, une seule des cinq œuvres interprétées ayant déjà été données à la Philharmonie. En guise d’introduction, nous avons pu entendre l’ouverture de Let ‘Em Eat Cake de George Gershwin. Composée en 1933, l'œuvre fut une belle entrée en matière pour l’orchestre. D’une énergie débordante, les musiciens ont démontré des qualités très peu mises en valeur dans le répertoire plus classique. Cette énergie s’est retrouvée dans leur interprétation du Concerto in F for piano and orchestra, aussi de Gershwin. En soliste, nous avons eu la chance d’entendre le pianiste russo-américain Kirill Gerstein. Celui-ci a survolé l’ensemble de la pièce avec une aisance déconcertante. Seule ombre au tableau, la balance entre l’orchestre et le soliste ne fut pas optimale et nous avons bien trop souvent perdu la clarté du piano. 

Après l’entracte, nous avons pu entendre la Symphonie No.3 de Roy Harris. Dans un tout autre style, les musiciens du London Symphony Orchestra ont démontré une maîtrise totale du son et de l’atmosphère de cette œuvre. Maintenant une balance interne proche de la perfection, Simon Rattle a guidé ses musiciens d’une main ferme, attentif à chaque détail. Cela s’est poursuivi avec l’une des plus récentes œuvres de John Adams, Frenzy, dont le LSO est l’un des commanditaires. Chaque pupitre, chaque instrument put faire entendre sa voix sans devoir forcer le trait. Afin de conclure ce très beau concert, l’orchestre anglais a décidé de revenir une dernière fois à l’emblématique George Gershwin en interprétant son ouverture de Strike Up the Band. Pleine de contrastes et de changements d’atmosphère soudains, l'œuvre fut une belle conclusion à cette première soirée de prestige, saluée d’une longue standing ovation. 

C’est dans un tout autre style que nous avons eu le plaisir d’entendre l’orchestre anglais pour la deuxième soirée de concert. En première partie, nous avons pu profiter de l'excellente Isabelle Faust dans le Concerto pour violon en Ré majeur de Johannes Brahms. Avec une précision de tous les instants et beaucoup de caractère, la violoniste allemande a brillé dans cette œuvre particulièrement difficile. L’orchestre, quant à lui, fut beaucoup plus attentif à la balance avec la soliste, parfaite d’un bout à l’autre de l'œuvre. Nous avons également pu apprécier la très grande palette de nuances explorables par l’orchestre, dans une musique qui s’y prête plus que la musique américaine du soir précédent. Pour les plus beaux moments, nous pouvons notamment citer la cadence de la soliste à la fin du premier mouvement, l’introduction des vents au deuxième mouvement ou encore la fin suspendue de celui-ci, avant la reprise énergique du troisième mouvement. Ce dernier mouvement fut d’ailleurs pris dans un tempo assez élevé par Sir Simon Rattle, sans que cela ne soit déstabilisant. 

Pour conclure ces deux soirées en compagnie de l’orchestre anglais, les musiciens nous ont proposé la Symphonie No.4 de Dmitri Chostakovitch. Oeuvre colossale d’environ une heure, elle est éprouvante tant pour les musiciens que pour les auditeurs. Sir Simon Rattle a su maintenir une tension maximale durant toute la pièce, exprimant ses intentions tout aussi bien avec ses gestes, qu’avec un visage fort expressif. Très engagés, les musiciens ont dégagé une énergie impressionnante, sans jamais faiblir. Tous les sentiments déchirants enfouis dans cette pièce nous ont finalement conduits vers ce qui fut sans aucun doute le plus beau moment des deux concerts, l’épilogue énigmatique, d’une rare douceur, clôturant la symphonie et la soirée. 

Philharmonie du Luxembourg, les 07 et 08 mars 2024

Alex Quitin, Reporter de l’IMEP. 

Crédits photographiques : Philharmonie Luxembourg/ Eric Engel

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