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A Genève, un Rosenkavalier maussade 

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Pour les fêtes de fin d’année, le Grand-Théâtre de Genève affiche sept représentations du Rosenkavalier en reprenant la production que Christoph Waltz avait conçue pour l’Opéra des Flandres en 2013. Bien connu des cinéphiles pour ses rôles dans Inglourious Basterds et Django Unchained de Quentin Tarantino, cet acteur viennois de renommée mondiale se tourne sporadiquement vers l’opéra en mettant en scène Fidelio au Theater an der Wien et Falstaff à Anvers. Pour ce Rosenkavalier, il souscrit à une lecture épurée bannissant l’esthétique ‘bonbonnière rococo’ pour privilégier une direction d’acteur approfondie, ce qui lui fait dire : « Aujourd’hui, nous lisons cette histoire tout autrement ». 

Sous des éclairages tamisés conçus par Franck Evin, le décor d’Annette Murschetz consiste en un cadre de bois gris-vert qui se dédoublera pour le salon bien modeste de Herr von Faninal et pour l’auberge campagnarde, tout aussi dégarnie. Au fil de l’action, viennent s’ajouter quelques meubles comme le lit à baldaquin et le guéridon du premier acte, deux ou trois fauteuils et canapés, en reléguant en coulisse l’énorme couche qui devrait tant épouvanter la pseudo Mariandel. Les costumes de Carla Teti mêlent allègrement le XVIIIe et le XXe en donnant à Oktavian un complet-veston bleu aussi quelconque que sa tenue de groom sous un atroce ciré luisant pour une présentation de la rose que l’on minimise au plus vite. D’un déshabillé sans charme rapidement recouvert d’une étole pourpre, la Maréchale passe à une robe tulipe mauve tape-à-l’œil pour le dernier tableau. Le Baron Ochs doit se contenter d’une seule redingote brune à la Philéas Fogg, Sophie en jaune citron semble échappée des Parapluies de Cherbourg, alors que Faninal, son père, est engoncé dans un uniforme militaire.

Lulu à la Monnaie : beauté de la laideur ou laideur de la beauté?

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La Lulu de Berg représentée à la Monnaie en 2012 avec Barbara Hannigan dans le rôle-titre avait été unanimement saluée par la critique, tant pour la prestation de la protagoniste que pour la mise en scène de Krzysztof Warlikowski. La reprise de cette production ayant acquis entretemps une réputation légendaire était donc attendue avec impatience.

Située dans un décor unique rappelant une station de métro, avec un imposant escalator (en panne, semble-t-il) et des carrelages blancs placés sous des éclairages glauques à quoi s’ajoute une espèce de grand aquarium (parfois placé en retrait, parfois sur le devant de la scène), l’approche du metteur en scène polonais exacerbe à l’extrême le rôle de Lulu qui n’est pas ici une femme fatale ou une mangeuse d’hommes, mais une femme qui s’élève dans la société par un usage ambigu et désespéré de la sexualité où elle se montrera tout à tour dominatrice et dominée.

La mise en scène excelle à montrer les ambiguïtés des rapports humains que le texte de Wedekind montre trop souvent réduits à de perverses transactions entre sexualité, argent et pouvoir, tous les sentiments d’effaçant d’ailleurs devant les manipulations et dépendances réciproques des personnages, jusqu’à la triste fin d’une Lulu, déchue et pathétique prostituée, sous les coups de Jack l’Eventreur.

De la maison des morts de Leoš Janáček, un opéra à la sauce Castorf

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Leoš Janáček  (1854-1928) : De la maison des morts, opéra en trois actes. Peter Rose, Evgeniya Sotnikova, Charles Workman, Bo Skovhus, Christian Rieger, Manuel Günther, etc. Chœurs du Bayerische Staatsoper et Bayerisches Staatsorchester, sous la direction de Simone Young. Mise en scène de Frank Castorf. 2020. Résumé de l’intrigue en anglais et en français. Sous-titres en anglais, français, allemand, coréen et japonais. 97.00. DVD (ou Blu-Ray) BelAir BAC 173.