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Désiré-Emile Inghelbrecht, chef d'orchestre et compositeur

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Erato rend hommage à la figure du chef d’orchestre et compositeur Désiré-Emile Inghelbrecht (1880-1965). “Inghel” comme il se faisait appeler car il n’aimait pas son prénom fut, un grand monsieur de l”histoire de la musique en France et en particulier à Paris, avec une vie dévolue à la musique que ce soit sur le podium ou en coulisses : un agitateur d”idées.   On le retrouve ici, capté entre 1929 et 1962 avec différents orchestres : l’Orchestre Pasdeloup, l’Orchestre national de la Radiodiffusion française nommé parfois Orchestre national de la RTF ou aussi désigné comme l’Orchestre du Théâtre des Champs Elysées, le Grand Orchestre des Festivals Debussy et aussi le London Philharmonic Orchestra (mais enregistré à Paris).  Allons à la découverte de ce chef et de son art en quatre temps :   

  • Désiré-Emile Inghelbrecht, bâtisseur sans relache

D’ascendance belge de son côté paternel, et anglo-suisse par sa mère, le jeune homme baigne dans la musique avec un père alto dans l’orchestre de l’opéra de Paris et une mère professeur de piano.  Il entre à neuf ans au Conservatoire de Paris, il est l’élève d’Ambroise Thomas et Gabriel Fauré. 

En 1896, il rentre second violon à l’Orchestre de l’Opéra de Paris et cachetonne dans les associations symphoniques parisiennes. Il est aussi membre des Apaches, ce groupe de jeunes turbulents dont font partie Ravel, Schmitt, Klingsor et  Viñes.  

Revenu, en 1904, de son service militaire, il commence à diriger. Son camarade Pierre Monteux lui demande de le remplacer pour des concerts de l’Orchestre Berlioz qui se produit dans une toute petite salle de la Rue de Clichy à Paris, grâce au financement d’un mécène. Les conditions sont rudes mais il dirige pour la première fois des grandes oeuvres comme la Symphonie en ré mineur de César Franck. Il se montre déjà un fervent défenseur de la musique de son temps et déjà un organisateur magistral capable de transformer en réel les idées. 

En 1907, à la demande de son ami Florent Schmitt, il donne la première de la version originale de la Tragédie de Salomé depuis la fosse exiguë du Théâtre des Arts aux Batignolles. Robert d'Humières, directeur du théâtre, admire le travail du chef et en 1908, il le désigne responsable d’un Festival Fauré qu’il a initié et  donné dans les jardins du château de Versailles. En 1911, il fonde un grand chœur nommé l’ACP (Association chorale de Paris)  prenant le constat que quand il y a des grands évènements nécessitant des forces chorales, il est fait appel à des formations des pays limitrophes. Compositeur lui-même, il est passionné par la musique de son temps, en réaction aux programmations conservatrices et très consensuelles des Associations symphoniques. En 1912, il donne ainsi lors d‘un même concert la création des Trois poèmes de Stéphane Mallarmé de Ravel, les Quatre poèmes hindous de Maurice Delage et des Trois poésies de la lyrique japonaise de Stravinsky.   

En 1913, il est embauché par Gabriel Astruc pour la première saison du Théâtre des Champs Elysées afin de  mettre sur pied l’orchestre pour ce nouvel édifice qui s’ambitionne grandiose. Il mène le projet dans sa globalité tant dans les aspects administratifs, techniques et musicaux.  Il est chargé de la conception du programme du concert d’ouverture où les grands compositeurs français dirigent leurs œuvres et il dirige des concerts et des opéras (Boris Godounov, Benvenuto Cellini) au cours de la luxueuse mais ruineuse saison inaugurale.  

Il reste au Théâtre des Champs-Elysées comme chef des Ballets suédois de Rolf de Maré (1919-1922) avec lesquels il effectue de nombreuses tournées en Europe.  En 1919, il fonde les Concerts Ignace Pleyel, regroupant de jeunes instrumentistes afin de faire connaître les musiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. L’aventure ne dure qu’une saison mais elle permet au public d’entendre un répertoire alors quasi-inconnu : des extraits de l’Orfeo et Monteverdi ou le ballet Les Paladins de Rameau.  Il est ensuite chef à l’Opéra comique (1924-1925) puis deuxième chef de l’Orchestre Pasdeloup (1928-1932), et directeur musical à l’Opéra d’Alger (1929-1930) avant de faire son retour à l’Opéra comique (1932-1933). 

Le centenaire des Ballets Suédois 

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« Ils sont intelligence et peinture plus que danse… » Par cette formule lapidaire, Fernand Divoire, chroniqueur de la revue ‘Montjoie ! » caractérisait l’esthétique des Ballets Suédois établis à Paris entre 1920 et 1925.

Leur fondateur, Rolf de Maré, né à Stockholm le 9 mai 1888, émanait d’un milieu fortuné ; car il était le fils du diplomate Henrik de Maré et de la sculptrice Ellen Roosval von Hallwyl, propriétaires d’une importante collection d’art primitif. En 1912, Rolf se lie d’amitié avec Nils von Dardel, peintre post-impressionniste, peu communicatif mais imaginatif et talentueux, alors qu’il est un enthousiaste disposant d’une fortune. En 1918, par l’entremise de l’artiste, il rencontre Jean Börlin, danseur en rupture avec l’Opéra Royal de Suède et en devient aussitôt le protecteur et l’amant. En 1920, tous deux se rendent à Paris ; et au Théâtre des Champs-Elysées, ils fondent une compagnie, les Ballets Suédois, dont Jean devient le chorégraphe et le premier danseur. Plus tard, Mikhail Fokin, l’ex-étoile des Ballets Russes, dira qu’il était celui qui lui ressemblait le plus. Comme Serge de Diaghilev, Rolf de Maré veut collaborer avec quelques-uns des artistes les plus intéressants de l’avant-garde afin de constituer une vitrine de la création contemporaine. Ainsi, en l’espace de quatre ans, seront produits vingt-quatre ouvrages chorégraphiés par Jean Börlin avec une fraîcheur et une spontanéité qui pallient le manque d’invention. 

L’aventure commence le 25 mars 1920 avec Sculpture nègre comportant une musique de Francis Poulenc et des costumes de Paul Colin. Sept mois plus tard, l’affiche du 25 octobre est impressionnante : Jeux de Claude Debussy, scénographie de Pierre Bonnard / Iberia d’Isaac Albeniz orchestré par Désiré-Emile Inghelbrecht, décors et costumes de Théophile Alexandre Steinlen et Nuit de Saint-Jean de Hugo Alfven, décors et costumes de Nils von Dardel. Puis entre novembre 1920 et février 1921, se succèdent Maison de fous, Le Tombeau de Couperin, Derviches, El Greco, Les Vierges folles et La Boîte à joujoux.