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C’était un féminicide : « The Carmen Case » d’Alexandra Lacroix et Diana Soh

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Carmen de Bizet étant dans le tiercé des opéras les plus représentés au monde (3570 productions et 17321 représentations en 2023, nous apprend le site de référence Operabase), on connaît les faits : à Séville, José, un soldat venu de sa campagne profonde, a été irrésistiblement séduit par une cigarière, la redoutable Carmen. Pour elle, il va successivement trahir sa famille, ses engagements, son honneur. Il ne va pas supporter que cette femme si éprise de sa liberté décide d’en aimer un autre. Puisqu’elle ne veut plus être à lui, elle ne sera plus à personne : il l’assassine.

On sait la force et la beauté de l’opéra de Bizet, dans la progression de son livret, dans son incroyable catalogue d’airs, dans son orchestration. A un point tel qu’envoutés par ses sortilèges, nous en arrivons presque à oublier ses enjeux humains réels. C’est à ceux-là qu’Alexandra Lacroix nous confronte dans une mise en perspective bienvenue. L’acte commis par José serait aujourd’hui qualifié de féminicide !

Mais la démarche d’Alexandra Lacroix est éminemment subtile. Plutôt que de tripatouiller une œuvre célèbre comme certains ne se privent pas de le faire en d’autres occasions, elle l’a en quelque sorte recréée. Son The Carmen Case est ainsi une œuvre inédite.

Lucilin invite le fantôme du piano sous les poutres des Capucins

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Rarement à la traîne quand il s’agit de faire connaître les musiques d’aujourd’hui, les musiciens de United Instruments of Lucilin endossent, à leur tour, le rôle de curateur à carte blanche dans un cycle au programme en forme d’ouverture, avide de sensibiliser les publics aux liens entre les musiques et, en particulier, avec celle des 20e et 21e siècles : électronique, vidéo, slam, poésie, improvisation, engagement sont certains des ingrédients qui émergent des éditions (mensuelles) précédentes, quand ce soir ce sont le texte et la réinvention aujourd’hui à partir d’œuvres d’hier qui décident du programme, donné à l’étage du Théâtre des Capucins, une pièce chaleureuse sous la charpente vernie où une cinquantaine de chaises attendent presqu’autant d’auditeurs -car les lieux aussi, parfois insolites, sont complices de cette envie de fouiner, de mettre son nez dans des endroits où l’acoustique ne se serait pas spontanément révélée.

L’idée du violoniste André Pons-Valdès pour ce Lucilin in the City #7 part de pièces pour piano de Brahms, Chopin ou Scriabine -fils révolté, le contemporain, né après la Seconde Guerre mondiale d’une tabula rasa radicale, entrouvre la porte à ses origines-, qu’il propose à des compositeurs de retravailler, selon leur point de vue actuel et pour un effectif instrumental qui joint clarinette (Max Mausen) et quatuor à cordes -exit le demi-queue, et le sous-titre du concert, Piano fantôme, s’impose. Il complète alors le tout des lectures de son ami Jean-Pierre Pinet -pédagogue, flûtiste et chef d’orchestre, il s’intéresse autant à la création contemporaine qu’à la musique ancienne-, dont la voix claire et convaincue introduit chaque morceau.

« Fast Forward » - 20 years United Instruments of Lucilin

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En fait d’anniversaire, c’est plus le 21ème que le 20ème qu’on fête, ce lundi 10 mai, au Grand Auditorium de la Philharmonie du Luxembourg, toujours en configuration minimale (100 personnes largement parsemées dans cette salle à l’acoustique accueillante), le petit virus renommé ayant rassemblé, en quelques mois, une impressionnante palette de super-pouvoirs, dont celui de se jouer des intervalles temporels au point de bouleverser tout calendrier un peu construit.

Un an plus tard et un programme (au livret copieusement illustré) remanié – du « voilà ce que nous avons fait de mieux » au « voilà vers où nous allons » –, United Instruments of Lucilin se prête à l’interview pré-concert avec bonne grâce et un zeste de réserve : la formation est née de l’envie de jouer ensemble, bien sûr, mais surtout de la volonté de choisir le programme, de se concentrer sur la création contemporaine, vaste, qui parfois effraye et souvent rejoint l’envie des musiciens de sortir de l’ordinaire. Des discussions, des centaines de créations, encore des discussions, des concerts traditionnels, des spectacles mis en scène, des improvisations, des opéras, toujours des discussions, des publics de tous âges, des collaborations, des commandes, des master class de composition et bien sûr on discute : l’ensemble se réunit virtuellement chaque quinzaine, envisage les idées de chacun pour composer le programme, tient compte de la diversité des penchants et des goûts – l’éclectisme est une valeur –, essaie de faire vivre et de concrétiser chaque projet – et cette démocratie permanente, faite aussi de tensions, résistante à la professionnalisation, construit probablement, avec la foi du début et le plaisir de se retrouver, la longévité du groupe. Danielle Hennicot (alto), André Pons-Valdès (violon) et Guy Frisch (percussions) égrènent quelques moments forts de la vie de l’ensemble : la naissance, bien sûr, The Raven de (monodrame qui envoie UIL à Paris ou à Tokyo), la rencontre avec Alexandre Schubert pour le concert-installation Black Mirror et sa réflexion sur la façon de jouer, Kein Licht, l’aventure du thinkspiel (mi-opéra mi-singspiel) de Philippe Manoury, joué près de 20 fois en 2017…

« Révélations » : fin d’été au Nouveau Siècle de Lille, avec le sang neuf de l’Orchestre Français des Jeunes

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Depuis sa constitution en 1982, l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ) a accueilli plus de deux mille cinq cents étudiants issus de tout le territoire national. Il a établi depuis 2017 sa résidence dans les Hauts de France : trois saisons de formation se succèdent, à Lille, Soissons et Compiègne, complétées par des temps forts dans d’autres grandes salles, françaises ou européennes (Concertgebouw d’Amsterdam, Philharmonie de Berlin, Festival de Montreux...) La session d’été s’installe à Lille, au Conservatoire, et au Nouveau Siècle où se déroulait le concert que nous avons entendu ce 3 septembre, une des deux représentations qui clôturait le travail estival (le concert numérique du 31 août présentait la Symphonie n°2 de Brahms, Prélude et Mort d’Isolde de Wagner, et déjà l’opus 129 de Schumann). Le thème de Salomé a été exploré par trois œuvres : la Danse des sept voiles de Richard Strauss, la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt (prévue le vendredi 3 décembre à la Philharmonie de Paris). Et une commande de l’OFJ à la compositrice Diana Soh, née en 1984 à Singapour : Elle ne dansera plus, en création mondiale, qui ouvrait la soirée.