Mots-clé : Frederic Rzewski

Superspectives à Lyon, hommages et découvertes

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Superspectives a cinq ans, c’est une étape : cinq éditions (auxquelles s’ajoutent deux hors-les murs à l’Opéra), un lieu auréolé d’un sacré qui sait rester dans l’ombre -au profit du plaisir, des yeux (le regard plongeant sur la cité), des papilles (la buvette, le fromage) et des oreilles (la musique)-, à la fois en ville et au jardin, un pari sur une musique dite contemporaine, au concept souple (entre découverte et redécouverte ; entre minimalisme, ambient et expérimental) qui vise l’ouverture et le partage -on s’y sent vite chez soi.

Des treize soirées entre mi-juin et début juillet, je témoigne de celles des 21 au 23 juin qui, si elles ne montrent qu’une partie du travail de programmation du binôme de trentenaires -François Mardirossian et Camille Rhonat, père ou bientôt père, au four (pleuvra ? pleuvra pas ?) et au moulin (on est à court de croquemonsieurs ? on peut jouer une de nos pièces adulées ?), d’humeur gracile même quand il pleut, gérant le prévu, l’imprévu et le spontané-, en est assez représentative : sur la Terrasse Sud, on honore des musiciens au parcours déroutant ; la scène s’ouvre à de plus jeunes, en recherche et en expérimentation ; on dépoussière des partitions fondamentales -ainsi du Satie Day Night Fever de samedi qui remplit les sièges- et sur la Terrasse Nord, on découvre, au travers de sessions d’écoute spécifiques, les instruments rares, les voix synthétiques, le gamelan…

Le jour de la musique, les concerts sont gratuits

Le jour de la fête de la musique (partie d’une idée un peu jetée, c’est devenu une institution, en France et ailleurs, et des débuts de laquelle me parle Philippe Krümm, qui officie maintenant au Musée des Confluences), c’est François Tusques que je découvre -il a maintenant 85 ans, il est temps : seul au piano, un peu perdu dans ce décor sonore de plein air (c’est un choix -assumé, surtout un soir aussi sonore), parfois hésitant, il déroule une frappe qui ne fait pas son âge, pour une musique, partie (il y a longtemps) du free jazz pour rassembler, à une époque où la chose n’est pas une évidence, des musiciens bretons, ou africains, ou magrébins, ou sans papiers (une origine en soi ?), usant de sa force de conviction et de son talent à conduire un groupe pour convaincre les meilleurs -en réaction à l’élitisme du free jazz, son Intercommunal Free Dance Music Orchestra se veut cosmopolite, populaire- et engagé, comme en témoigne encore l’album Oui, Mais 68 !, enregistré en 2018 pour marquer les 50 ans de Mai. On vit plus longuement et la science médicale nous y aide, mais la passion artistique (et le travail, la répétition, l’entraînement) doit être pour quelque chose dans la dextérité préservée des musiciens, non ?

David Kadouch, Révolution 

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Le pianiste David Kadouch est doublement en tête de l’actualité. Il sort un nouvel album (Mirare) qui porte le titre de « Révolution » ; parcours personnel à travers les oeuvres et les époques, ce nouveau disque est un superbe objet sonore, invitation à suivre un voyage narratif personnel entre les musiques. David Kadouch est également acteur d’un album consacré aux oeuvres concertantes de Philippe Boesmans (Cyprès) où il interprète Fin de Nuit pour piano et orchestre, partition dont il donna la création au printemps dernier à Liège et Bruxelles. Crescendo Magazine suit avec une attention particulière les projets de David Kadouch qui fut le premier “jeune artiste” des International Classical Music Awards en 2011. 

Ce nouveau disque se nomme “Révolution”. Pourquoi ce titre ? Qu’est-ce que la Révolution en musique représente pour vous ? 

J'ai choisi ce titre pour l'opposer au concept de mémoire. J'avais lu un livre fantastique d’Annie Ernaux qui s’intitule Les Années ; c’est une autobiographie à travers les grands événements de sa vie en France et dans le monde. Dans la dernière phrase du livre, elle écrit “sauver quelque chose du temps où on sera plus jamais”. Cela m’a beaucoup ému et je me suis dit que c’est une des définitions de ce que doit être l’art : témoigner ! Témoigner des gens que l’on aime, de ce que l’on a vécu car on sait que tout est condamné à disparaître. J’ai souhaité confronter “la mémoire” à un autre concept : celui de “révolution”. Car la révolution c’est exactement le contraire de la mémoire : c’est oublier tout, et recommencer en faisant un pas du rêve à la réalité. Dès lors, comment l’artiste est-il influencé dans son geste créatif quand tout s’effondre autour de lui, ou quand son pays traverse des bouleversements. J’ai choisi des oeuvres liées à des mutations du temps et de la société. Les artistes ont été bouleversés et ils ont créé sous cette impulsion. 

Votre précédent album “En plein air” était également une invitation à un voyage entre les styles et les époques. Un album doit-il forcément raconter une histoire ? 

Non, pas forcément ! Je sais juste que j'adore raconter une histoire mais c'est parce que je suis passionné de théâtre et de cinéma et que la narration est pour moi essentielle. Je vais tout le temps au théâtre et quand je sors d'une soirée, j‘ai souvent l’impression de repartir avec quelque chose de plus, comme une vision du metteur en scène sur une oeuvre classique, et cela m’influence dans la manière dont je construis mes programmes. Je n’ai pas très envie de faire un album avec un ou deux compositeurs qui s’affrontent. J’aime mieux raconter moi-même et suggérer des histoires, et j’espère qu’à l’écoute de l’album on ressort avec une vision d’ensemble qui n’est pas seulement celle de l’oeuvre mais qui est un message ou un sentiment général. J’espère que l’on peut écouter les choses différemment car le concert ou le disque m’apparaissent comme des expériences pour dire les choses de manière plus narrative. 

Stéphane Ginsburgh, pianiste des défis

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Stéphane Ginsburgh est un pianiste qui aime les défis. Il joue régulièrement Morton Feldman et Frederic Rzewski, enregistre l'intégrale des sonates de Prokofiev (Cyprès) et se prépare à affronter, avec son compère Wilhem Latchoumia, l'imposante "Mantra" de Stockhausen pour le festival Ars Musica. Crescendo-Magazine rencontre l'un des artistes les plus épatants et indispensables de la scène belge.