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Michael Tilson Thomas à propos d’Alban Berg et de la musique 

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On ne présente plus Michael Tilson Thomas ! “MTT” est l’un des chefs d’orchestre les plus importants de notre époque ! Ce musicien visionnaire, fondateur et directeur musical du New World Symphony, académie d’orchestre qui encadre les futurs virtuoses des orchestres étasuniens, publie un album Alban Berg qui fera date ! Il retrouve à cette occasion le San Francisco Symphony Orchestra dont il fut le directeur musical entre 1995 et 2020. C’est lors de ce mandat acclamé qu’il fonda SFS Media, le label de la phalange californienne qui publie cet enregistrement. 

Ce nouvel enregistrement propose trois partitions d’Alban Berg : le célèbre Concerto pour violon avec Gil Shaham en soliste, les Sept lieder de jeunesse (chantés par Susanna Phillips) et les Trois pièces pour orchestre. Comment avez-vous choisi ce trio de partitions ?  

Ces partitions représentent une grande partie de ma vie. J'ai grandi et étudié à Los Angeles et, à cette époque, la vie musicale californienne était dominée par deux immenses figures qui y habitaient : Igor Stravinsky et Arnold Schoenberg. L’influence de Schoenberg sur la scène musicale locale faisait rayonner sa musique mais aussi celle de Webern et de Berg. De plus, j’ai très tôt été attiré par la musique d’Alban Berg. J’ai aussi eu la chance d’accompagner le soliste Henryk Szeryng dans le Concerto pour violon de Berg et on sait qu’il était un immense praticien de cette pièce. Ce fut une formidable expérience pour le jeune homme que j’étais. Et quelques années plus tard, à Boston, j’ai eu l’incroyable opportunité de rencontrer le violoniste Louis Krasner, commanditaire et créateur du concerto de Berg et aussi de celui du Concerto pour violon Schoenberg et j’ai pu parler avec lui de ces partitions. 

Alors pour moi, la musique d’Alban Berg et, en particulier, le Concerto pour violon sont une part de mon identité de musicien. Le concerto de Berg est autant pour moi une partie de mon répertoire que peut l’être celui bien plus classique de Max Bruch pour d’autres musiciens ! 

Vous êtes un grand spécialiste de Mahler ! Vous avez enregistré toutes les symphonies et les partitions vocales avec le San Francisco Symphony. Quels sont les liens entre Mahler et Berg ? 

Il y a naturellement des liens entre Mahler et Berg. Certaines partitions comme les Trois pièces pour orchestre sont écrites comme une sorte de mémorial à Mahler. Schoenberg a été le professeur d’Alban Berg, il lui a ouvert les perspectives de l’écriture dodécaphonique, mais Berg compose toujours avec une attention plus humaine là où Schoenberg était très concentré sur la structure. Ne négligeons pas non plus l’influence de Debussy ! En effet, Debussy était l’un des compositeurs les plus joués par la Société d'Exécutions Musicales Privées qui animait alors Vienne et dont Berg était l’un des fidèles. Schoenberg mettait Berg en garde de trop s'orienter vers le style de Debussy. La musique de Berg revêt également un aspect presque envoûtant avec des moments purement magiques, le compositeur peut créer un matériau extrêmement beau à partir de la technique de composition en douze tons. Certains passages du Concerto pour violon sont purement fabuleux et vous touchent directement au coeur.

Solenne Païdassi, violoniste 

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La violoniste Solenne Païdassi publie une interprétation remarquée et remarquable des Sonates et Partitas de Bach (Indesens). Lauréate du Concours Long Thibaud Crespin 2010, cette musicienne française est désormais résidente belge car elle occupe la fonction de supersoliste du Belgian National Orchestra. 

Vous publiez un enregistrement des Sonates et Partitas de Bach, c’est l’un des monuments du violon. Qu’est-ce qui vous a amenée à l’enregistrement de ces oeuvres ?

J’ai toujours su que je voulais enregistrer les Sonates et Partitas, depuis toute petite. Cette musique s’impose à nous d’une manière quasi universelle il me semble, il y a chez Bach une recherche permanente d’harmonie et de perfection. Mais ce que je voulais tout particulièrement exprimer ici, c’est cette autre facette de Bach, l’homme imparfait qu’il a pu être, et montrer que sa musique est tout sauf parfaite justement. Dans les dissonances qu’il va chercher et qu’il laisse sans résolutions, dans les carrures rythmiques qu’il invente, il démontre un sens de l’humour indéniable, bien loin des clichés du Kapellmeister austère que l’on se représente.

Comment se prépare-t-on à un tel défi musical ?

C’est le travail de toute une vie ! J’ai découvert cette musique vers l’âge de 7 ans et je ne l’ai plus jamais lâchée. Je reviens toujours à Bach, c’est le fondement de ma vie de musicienne, ma pierre d’angle. Pour la préparation pratique de l’enregistrement, je suis retournée aux manuscrits, j’ai travaillé exclusivement à partir des autographes de Bach et de sa femme, en me grattant bien souvent la tête car il y a des différences marquantes entre les deux. Cela m’a permis également de prendre le temps d’une vraie réflexion sur chaque mouvement, quel caractère, quelle inspiration leur donner, et surtout en quoi cela me concerne personnellement. J’ai essayé de donner un aperçu de cette réflexion dans le livret, en faisant le choix de proposer des clés d’écoute pour chaque mouvement et en livrant souvent mon vécu individuel de l’œuvre.