Solenne Païdassi, violoniste 

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La violoniste Solenne Païdassi publie une interprétation remarquée et remarquable des Sonates et Partitas de Bach (Indesens). Lauréate du Concours Long Thibaud Crespin 2010, cette musicienne française est désormais résidente belge car elle occupe la fonction de supersoliste du Belgian National Orchestra. 

Vous publiez un enregistrement des Sonates et Partitas de Bach, c’est l’un des monuments du violon. Qu’est-ce qui vous a amenée à l’enregistrement de ces oeuvres ?

J’ai toujours su que je voulais enregistrer les Sonates et Partitas, depuis toute petite. Cette musique s’impose à nous d’une manière quasi universelle il me semble, il y a chez Bach une recherche permanente d’harmonie et de perfection. Mais ce que je voulais tout particulièrement exprimer ici, c’est cette autre facette de Bach, l’homme imparfait qu’il a pu être, et montrer que sa musique est tout sauf parfaite justement. Dans les dissonances qu’il va chercher et qu’il laisse sans résolutions, dans les carrures rythmiques qu’il invente, il démontre un sens de l’humour indéniable, bien loin des clichés du Kapellmeister austère que l’on se représente.

Comment se prépare-t-on à un tel défi musical ?

C’est le travail de toute une vie ! J’ai découvert cette musique vers l’âge de 7 ans et je ne l’ai plus jamais lâchée. Je reviens toujours à Bach, c’est le fondement de ma vie de musicienne, ma pierre d’angle. Pour la préparation pratique de l’enregistrement, je suis retournée aux manuscrits, j’ai travaillé exclusivement à partir des autographes de Bach et de sa femme, en me grattant bien souvent la tête car il y a des différences marquantes entre les deux. Cela m’a permis également de prendre le temps d’une vraie réflexion sur chaque mouvement, quel caractère, quelle inspiration leur donner, et surtout en quoi cela me concerne personnellement. J’ai essayé de donner un aperçu de cette réflexion dans le livret, en faisant le choix de proposer des clés d’écoute pour chaque mouvement et en livrant souvent mon vécu individuel de l’œuvre.

Ces oeuvres sont marquées par les témoignages des grands musiciens et des grandes musiciennes du passé et de notre époque. Est-ce que vous avez écouté des enregistrements pour vous préparer à cet enregistrement ? Si oui, quels étaient-ils ?

J’ai grandi avec les enregistrements d’Henryk Szeryng, Glenn Gould et Paul Tortelier que mes parents passaient en boucle à la maison. Je pense que cela a profondément influencé mon interprétation de l’œuvre de Bach. Mais en me préparant à enregistrer, je n’ai écouté personne d’autre, je voulais faire les choses à ma façon, sans influence extérieure. Par contre, j’ai écouté en boucle le CD « After Bach » de Brad Mehldau que je trouve extraordinaire ; et Thomas Zehetmair a sorti depuis son intégrale des Sonates et Partitas, intitulée « Sei Solo », fantastique dans sa liberté et ses partis-pris!

Vous êtes, depuis la saison 2018-19, la violon solo de l’Orchestre National de Belgique (Belgian National Orchestra). Qu’est-ce qui vous amène en Belgique ?

Les hasards de la vie ! Je venais tout juste de finir l’enregistrement du Bach quand j’ai pris mes fonctions à l’Orchestre National de Belgique, avec une mâchoire déboîtée à cause des heures passées en studio sur mon instrument. L’orchestre m’a accueillie avec énormément de bienveillance et d’enthousiasme, c’est une grande famille, et j’y ai découvert un ensemble toujours prêt à s’investir personnellement et musicalement au plus haut niveau tout en gardant beaucoup, beaucoup d’humour ! Je me suis depuis installée de façon permanente à Bruxelles, j’enseigne également au Conservatoire Royal de Bruxelles, et j’apprécie la douceur de vivre bruxelloise, ainsi que la rapidité avec laquelle on peut être presque partout en Europe, en quelques heures.

Le Belgian National Orchestra accompagne les finales du Concours Reine Elisabeth. Vous êtes vous-même lauréate du Concours Long Thibaud Crespin 2010. Vous connaissez la position de candidate et celle de violon solo. Quels conseils donneriez-vous aux candidats pour bien se préparer à cette épreuve finale ?

Ce serait trop facile de donner des conseils une fois que l’on est passé de l’autre côté. J’aimerais pouvoir leur dire d’en profiter au maximum, que c’est un moment unique dans leur vie, un instant sur scène qui cristallise des mois et des années de préparation, d’échecs parfois. Le Concours Reine Elisabeth représente un tel challenge ! Il faut tenir sur la longueur ; quand les candidats arrivent pour répéter leur finale, ils touchent au bout de presque un mois de concours, c’est énorme ! Et l’orchestre est vraiment là pour les soutenir, les rassurer autant que possible, c’était un vrai plaisir de découvrir le concours sous cette facette pour moi.

Vous êtes française et vous travaillez en Belgique. Est-ce que la notion d’école franco-belge de violon vous semble encore avoir un sens ?

J’ai un parcours un peu atypique, j’ai étudié à peu près partout, aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, avec des professeurs qui venaient d’écoles très différentes, et j’ai toujours aimé emmagasiner le maximum d’information pour ensuite faire mes propres choix. Je ne pense pas appartenir à une école de violon en particulier. En même temps, je regrette parfois un peu de nos jours la standardisation du son. Il y a encore quelques années, on pouvait immédiatement identifier telle ou telle école, cela devient maintenant plus difficile. Mais l’école franco-belge de violon reste très forte dans la pensée collective, on parle toujours du son franco-belge, cette richesse et cette palette de couleurs. En ces temps de globalisation généralisée, je trouve particulièrement important de préserver cette identité sonore, tout comme celle de l’école russe ou américaine de violon. C’est cette variété de choix qui fait la richesse de notre instrument !

Quel est votre restaurant préféré à Bruxelles ?

Je suis encore novice à Bruxelles, je suis en pleine exploration de la ville et je fais des recherches très approfondies en la matière ! Pour le moment mes deux grands favoris sont des classiques: le stand d’huîtres et petit vin blanc du marché de Flagey le dimanche matin en plein hiver, et le chocolatier Laurent Gerbaud, un incontournable pour une chocs-addict comme moi !

Le site de Solenne Païdasssi : www.solenne-paidassi.com

A éccouter :

Jean-Sébastien Bach : Sonates et Partitas. Solenne Païdassi, violon. Indesens.

 

 

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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