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Dossier Rimski-Korsakov (III) : un compositeur en voyage

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Quelle est la vocation d’une Exposition universelle sinon, précisément, d’être universelle? En été 1889, le monde entier s’est donné rendez-vous à Paris et tout ce qui de loin ou de près ressortit à l’intelligence et à la création humaines y a sa place. Dont la musique. La musique dite savante comme la musique folklorique, l’opéra comme l’opérette et la chanson populaire. Chez les organisateurs, on a du reste veillé à ce que des compositeurs étrangers y soient présents et, grâce à de nombreux concerts, y fassent découvrir leurs œuvres.

En ce qui la concerne, la délégation russe comprend notamment Alexandre Glazounov et Nicolas Rimski-Korsakov. Ils ont été proposés par Mitrofan Belaïev qui, à Saint-Pétersbourg, est le principal éditeur de musique de son pays et dont le dynamisme et l’enthousiasme constituent d’incontestables atouts promotionnels. Sauf que, chose paradoxale, Belaïev ne souffre pas la publicité et qu’il déteste les réclames s’étalant tapageusement aux quatre coins des villes ou “portées à dos d’hommes” -des manifestations qu’il juge à la fois inutiles et vulgaires. Pour les deux concerts qu’il a programmés à l’Exposition universelle de Paris, les samedis 22 et 28 juin, il se borne à de modestes annonces. Tant et si bien que ces deux concerts passent presque inaperçus et ne recueillent aucun succès.

Tchaïkovski, compositeur russe?

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Si la Russie est, selon une idée communément admise, le pays des contrastes et des extrêmes, Tchaïkovski est certainement le compositeur qui reflète le mieux cette polarité, à la fois par sa personnalité et par les sentiments qu'il suscite. "Je suis russe, russe, russe" ! affirmait-il. Or il s'est finalement vu cataloguer comme "cosmopolite", par opposition à ses confrères nationalistes du Groupe des Cinq -lesquels avaient espéré, durant un temps, le voir devenir le sixième membre du Groupe ! A quoi tient donc ce malentendu?

On pourrait d'abord s'interroger sur une question de terminologie, et voir la différence sémantique qui existe entre trois définitions classées par ordre de progression à l'intérieur d'un jugement de valeur : Tchaïkovski est-il "cosmopolite", "éclectique" ou "universel" ? Et la seconde question serait : dans quelle mesure l'opinion courante reconnaît-elle à un Russe le droit de posséder ces qualités ?

Tchaïkovski et le ballet

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Il est impossible aujourd'hui de penser au ballet classique sans penser à Tchaïkovski. La popularité permanente de ses trois grands ballets, Le Lac des Cygnes, La Belle au Bois Dormant et Casse Noisette est due avant tout à la haute qualité de sa musique, dans une mesure bien plus grande que pour tout autre ballet du dix-neuvième siècle.

Grâce aux vertus dramatiques et lyriques de cette musique, chorégraphes et danseurs purent s'épanouir dans des conditions sans précédent (comparables seulement à celles de l'ère de Diaghilev par la suite), fixant pour les générations à venir de nouvelles normes de qualité artistique et technique dans le domaine du ballet classique.

Pour apprécier à quel point ces normes ont été enrichies par la musique de Tchaïkovski, il n'est que de remonter en arrière et d'imaginer ce qu'était la musique de ballet au dix-neuvième siècle avant son arrivée. Bien que la danse ait occupé une place importante dans l'Opéra de cette époque, elle ne servait généralement pas à faire avancer l'action. Considérés comme une interruption au milieu du drame, les divertissements tenaient un peu la place des sorbets glacés entre les plats copieux, voire indigestes, d'un long banquet.

La musique de ballet, même des compositeurs les plus prestigieux, comme Berlioz, Wagner ou Verdi, n'atteint jamais au niveau de qualité du reste de leurs opéras. Comme l'écrivait un critique à propos de Delibes, il est "... très difficile d'écrire pour la danse avec un peu de goût artistique ou de style... M. Delibes a réussi à éviter la banalité."