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Au-delà de la nuit, au-delà des frontières

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Par certains éléments structuraux (la mezzanine, le fer forgé), le Grand Salon du Botanique me replonge dans le décor du Museum d’Histoire Naturelle, où le k l a n g collective mettait un point final à l’édition 2022 du Walden Festival. Ce soir, c’est complet et en soi c’est déjà un beau résultat pour les Nuits Botanique, 30e édition que clôture un 3+1 (3 créations, 1 variation) contemporain, là où on trouve bien plus souvent, dans ce festival éclectique qui en inaugure la saison (des festivals), rock, musiques electronique ou expérimentale, r&b, chanson, hip hop ou pop -une culture du jeté de ponts entre les genres, comme une manie de déranger méthodiquement le tiroir à chaussettes, trop ordinaire si rangé par couleurs, ou par pointures.

Et de la (hip-)pop, c’est ce dont se nourrit la Mulitude Variation qui ouvre le programme, née de l’expérience d’arrangeur de Bruno Letort sur l’album de Stromae (un travail de production sonore qui exige « la même précision chirurgicale qu’en musique contemporaine »), variations sur La sollasitude, ce morceau, au refrain crispant et touchant à la fois (« le célibat me fait souffrir de solitude, la vie de couple me fait souffrir de lassitude »), parmi les six sur lesquels l’orchestrateur a posé sa patte : une image déformée de l’idée d’un autre, qui s’y retrouve mais plus tout à fait, colonne vertébrale concurrencée sur son fondement, menacée même dans sa polyrythmie par l’appropriation altérée, comme au travers d’un miroir courbe -comme on tord, en médecine, une image radiographique afin de mettre en évidence des détails autrement difficiles à percevoir.

L’idée des variations vient du Bota, comme les commandes des trois concertos, confiées à trois autres flamboyances de la scène comtemporaine belge francophone -Bruno Letort s’est importé de Paris, mais dix ans d’acclimatation en ont arrondi les us et accents (jusqu’à son look Inspecteur Columbo de ce soir)-, des éclats au tempérament spécifique, irridescent pour Jean-Luc Fafchamps, l’homme de la « woman qui est là » (deuxième et dernier épisode en date de l’irréel opéra qui en compte trois), impérial pour Jean-Paul Dessy, ce soir au four et au moulin puisqu’il tient la baguette devant les cordes de Musiques Nouvelles, rigoureuse et réservée pour Apolline Jesupret -une génération après celle des trois autres, mais une maturité d’écriture qui déconcerte chaque fois que je l’entends. Et c’est encore le cas pour Ardeurs intimes (un oxymore qui m’autorise celui de la flamboyance réservée), concerto pour violon (la jeune Maya Levy, au jeu saillant et à la posture altière) et orchestre à cordes, qui séduit par la promptitude avec laquelle sa musique convoque le profond du ressenti -ici celui, personnel et intérieur, contrasté par les trois mouvements de la pièce, de l’amour, par lequel on vibre, on contemple, on pulse.

Maya Levy, Prokofiev et Piazzola 

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La jeune violoniste Maya Levy est l’un des grands talents émergents de la scène musicale belge. Alors qu’elle fait paraître un album intitulé "Lockdown” qui propose des œuvres de  Prokofiev et Piazzolla (avec la complicité du violoniste Hrachya Avanesyan), la jeune musicienne déborde d’énergie et se lance dans de nouveaux projets. May Levy répond aux questions de Crescendo Magazine  

Votre nouvel album s’intitule "Lockdown". Il met en relief Prokofiev et Piazzola. Comment avez-vous choisi ce titre et ce programme ?

La concrétisation de ce disque nous est venue naturellement lorsque, emails après emails, les annulations et reports s'enchaînaient. Les concerts, les festivals, les projets d’enregistrements, les concours.. Tout ! Il était  impossible de se projeter avec certitude. Alors vivant à 2, étant tous deux violonistes, et étant en quarantaine à ce moment-là, nous avons tout simplement décidé d’enregistrer notre propre album chez nous. De plus, ce programme nous permettait de saluer le centenaire de la naissance de Piazzolla, ainsi que de rendre hommage à Prokofiev qui lui même avait vécu un ‘vrai’ lockdown humain durant ses années passées en URSS. A ce titre, notre ‘lockdown’ dû à la crise sanitaire faisait petite mine à côté du sien.

Ce programme était-il déterminé avant la pandémie ou cette dernière vous a-t-elle conduits à changer les œuvres envisagées pour cet album ?

C’est effectivement la pandémie qui nous a soufflé ce projet à l’oreille. Tout d’abord de jouer à deux et puis ce programme qui reflétait bien notre état d’esprit à ce moment-là… La noirceur de Prokofiev, et la mélancolie de Piazzolla.