Pour sa 102e édition depuis 1913, l’Arena di Verona Opera Festival affiche cinq opéras, les Carmina burana de Carl Orff, un Viva Vivaldi en concert immersif, le ballet Zorba leGrec, un gala Jonas Kaufmann et le Roberto Bolle and friends pour deux soirées.
Au niveau lyrique, la seule nouvelle production est consacrée à Nabucco, troisième ouvrage le plus fréquemment joué aux Arènes avec 239 représentations en 26 saisons. En cette année 2025, Cecilia Gasdia, la surintendante, en confie la réalisation à Stefano Poda qui conçoit à la fois la mise en scène, les décors, costumes, lumières et chorégraphie. Dans ses ‘Notes de régie’, l’homme-orchestre explicite son point de vue : « "Nabucco, c’est comme l’affrontement et la réunification entre deux polarités. Deux moitiés de sphère représentent non seulement la polarisation Hébreux-Babyloniens, mais aussi la spiritualité-rationalité sur un plateau scénique épuré dans une dimension spatiale post-moderne qui combine un labyrinthe de lumières futuristes avec la nudité des gradins de l’Arène. Les deux polarités s’attirent et se repoussent durant toute l’action jusqu’à un point extrême de scission pour parvenir à la synthèse du finale où les deux oppositions se réconcilient ».
La métaphore est celle de la répulsion des particules atomiques. L’homme a réussi à découvrir comment scinder en deux parties un atome, pour se rendre compte ensuite qu’une telle science peut avoir des conséquences désastreuses. Ainsi le Finale de l’Acte II impliquant le moment où Nabucco prétend être Dieu provoque une explosion atomique avec effets spéciaux représentant la destruction de la raison séparée de la spiritualité. La guerre est le bruit de fond de la trame concrétisée par des guerriers futuristes dotés de cuirasses lumineuses et d’armes blanches. Le monde naturel et détérioré des Hébreux arborant un jaune délavé symbolise la partie de l’intelligence humaine qui recherche la spiritualité, exprimant dans le célèbre « Va, pensiero » la tentative de fuir cette logique de l’affrontement. Et la gigantesque clepsydre comportant le mot « Vanitas » juchée au centre symbolise le passage du temps qui efface inexorablement tout effort humain. Mais lorsqu’elle se rompra à l’Acte IV, elle obligera l’humanité à choisir entre le bien et le mal.
Pour ouvrir son ultime saison à l’Opéra de Lausanne, Eric Vigié joue le coup d’éclat en présentant IlTurco in Italia de Rossini, bien moins connu que L’Italiana in Algeri qui est souvent pris comme point de comparaison.
Pour cette nouvelle production, il fait appel à Emilio Sagi qui s’entoure de Daniel Blanco pour les décors, Pepa Ojanguren pour les costumes et Eduardo Bravo pour les éclairages. Le rideau se lève sur un quartier populeux de Naples avec une haute façade de maison surplombant une terrasse de bar jouxtant un escalier tortueux côté jardin, de l’autre, un portique en arcade donnant sur la voie du tram. Dans un bruit incessant, le policier à vélo poursuit les ragazzi chapardeurs, alors qu’à grand renfort de klaxon, Donna Fiorilla apparaît sur la moto d’un fringant gigolo échappé du Ieri, oggi edomani de Vittorio de Sica. Zaida la bohémienne et Almanzor, son compagnon d’infortune, se sont assimilés à cette populace bigarrée dont le légendaire farniente est bousculé par ce panneau bleu des mers porté à bout de bras, ouvrant le passage au pacha Selim, potentat à jaquette couleur sable rehaussée d’une pesante chaîne de joyaux, gloussant d’amour comme un coq en chaleur. A peine arrivé, il est confronté à un Don Geronio confit dans son complet-gilet gris maussade et à un Narciso glandeur à la Mastroianni. Paparazzo à l’affût du moindre esclandre, Prosdocimo le poète se faufile partout, quitte à finir dans la bouche d’égout que viennent d’entrouvrir les éboueurs. Tant bien que mal, on l’en sortira pour qu’il parasite le bal nocturne où le quiproquo des tenues similaires lui fait rechercher la vraie Fiorilla, le réel Selim…
C’est avec un “Gala Rossini” en plein air sur la Piazza del Popolo, en présence de Sergio Mattarella, le Président de la République italienne, que le Festival de Pesaro 2021 s’est conclu. Le concert était prévu pour célébrer l’inauguration de la nouvelle salle que le festival attend depuis des années mais qui est loin d’être achevée. Alors on a opté pour une autre célébration : les 25 ans de collaboration du Festival avec Juan Diego Flórez, le ténor péruvien “découvert” par le festival en 1996 et qui lui est resté fidèle. Finalement, c’est un “Gala Rossini” qui fut proposé, avec Flórez entouré de collègues connus et moins connus, soutenus par l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI dirigé par Michele Spotti. Flórez en grande forme était entouré par le baryton Pietro Spagnoli, le ténor Sergey Romanovsky et sept jeunes chanteurs moins connus, dans des pages de huit opéras de Rossini. Le point d’orgue du concert fut le grandiose et émouvant final de Guillaume Tell.
Le programme de la 42e édition du festival était bien rempli. Il y avait les opéras Moïse et le Pharaon, Elisabetta regina d’Inghilterra et Il Signor Bruschino dans de nouvelles productions, une version scénique du Stabat Mater, le déja traditionnel Il Viaggio a Reims dans le “Festival Giovane” et plusieurs concerts de belcanto.
Pas de problème d’espace pour les productions dans le Vitrifrigo Arena pour Moïse et le Pharaon et Elisabetta regina d’Inghilterra (déjà commentés ici). Mais les dimensions du Teatro Rossini imposaient une autre approche : le public dans les loges, l’orchestre dans le parterre et l’action sur la scène. C’était le cas pour Il Viaggio a Reims, le spectacle présenté par les jeunes chanteurs de l’Accademia Rossiniana “Alberto Zedda” dans la mise en scène simple mais efficace d’Emilio Sagi qui fonctionne admirablement depuis 2001. Cette année, c’était Luca Ballario qui dirigeait l’Orchestra sinfonica G. Rossini et une distribution internationale de jeunes chanteurs qu’on retrouvera souvent les années prochaines dans les grandes productions du festival, tels Salome Jicia ou Maxim Mironov.