Tishchenko, le bon élève

par

Boris TISHCHENKO (1939 - 2010)
L’œuvre pour violon
Gabriel TCHALIK (violon), Dania TCHALIK (piano)
DDD–2015-74’ 28’’–Textes de présentation en anglais et français–Evidence Classics (distribution Harmonia Mundi) EVCD013

Boris Tishchenko (qui est russe, nonobstant son patronyme ukrainien) a eu la chance d’avoir eu deux maîtres de musique hors du commun : Dimitri Chostakovitch et Sofia Goubaïdoulina. Pourtant, les quelque cent cinquante partitions qu’il a écrites sont loin d’être des succédanés et ne donnent pas l’impression de leur devoir beaucoup, sinon qu’elles ne refusent jamais le lyrisme et, surtout, qu’elles évitent le formalisme, le principal défaut des compositeurs qui ont fait leur apprentissage musical à l’ère triomphante des bolchevicks. Sur le présent CD ont été regroupées toutes les pièces que Boris Tishchenko a composées pour le violon seul et pour le violon accompagné du piano, soit six pièces au total, dont deux sonates, une première datant de 1957 et une seconde de 1975. Divisée en six mouvements, celle-ci est sans doute l’œuvre la plus aboutie de l’ensemble et montre que Boris Tishchenko maîtrise parfaitement la technique si complexe de l’archet. À tout moment, le violon semble ici en compétition avec lui-même, à croire qu’il serait dédoublé et que chaque phrase – chaque phrasé – avait besoin d’un écho, souvent à travers de subtiles dissonances et d’étranges réverbérations sonores. Mais, en même temps, cette sonate n’a rien d’un exercice de style. Expressive, chantante, colorée, elle ne peut que plaire aux violonistes désireux de sortir des sentiers battus. Pour ce qui le concerne, Gabriel Tchalik l’interprète fort bien, tour à tour appliqué et hardi.

Son 9 – Livret 6 – Répertoire 7 – Interprétation 8

51nIwIqA3+LSonates pour piano n° 7 et n° 8
Nicolas STAVY (piano), Jean-Claude GENGEMBRE (cloches)
DDD–2015–70’ 50’’–Textes de présentation en allemand, anglais et français–BIS 2189

Parmi les onze sonates pour piano que Boris Tishchenko a composées tout au long de sa carrière (la première est l’opus 3, la dernière l’opus 151), la septième en trois mouvements (l’opus 85 écrit en 1982) est à coup sûr la plus singulière : elle est assortie de cloches – cloches tubulaires et glockenspiel, qui lui confèrent des couleurs assez inattendues. Encore que leur rôle soit plutôt discret et irrégulier, au point qu’on se demande si la sonate ne pourrait pas être jouée sans elles… Autre particularité : un mouvement lent d’une longueur inhabituelle, savoir près de dix-sept minutes – l’occasion pour Nicolas Stavy, comme le souligne Frédérick Martin dans le texte de présentation, « de déployer son art et sa science du toucher et du phrasé, tant la croissance polyphonique l’exige, croissance naissant de brefs groupes de notes soulignés d’un bémol grave repris vingt-trois fois ». On remarquera que le mouvement lent de la Sonate n° 8 (l’opus 99 écrit en 1986) est pareillement le plus long des trois (il dure, lui, une douzaine de minutes) et qu’il contient à un moment donné, dans un flux de croches, une surprenante réminiscence de la Symphonie n° 4 de Dimitri Chostakovitch, sans nul doute en guise d’hommage et de gratitude. Il n’empêche ! À l’écoute de ces deux sonates, on songe plus souvent à Serge Prokofiev qu’à l’auteur du Lady Macbeth du district de Minsk, Serge Prokofiev restant en cette matière la référence suprême, si ce n’est le modèle, chez les compositeurs russes modernes.
Jean-Baptiste Baronian

Son 7 – Livret 7 – Répertoire 7 – Interprétation 8

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