Totale réussite !

par

0126_JOKERJean Philippe RAMEAU (1683-1764)
Hippolyte et Aricie 
Livret de l'Abbé Simon-Joseph PELLEGRIN
Topi LEHTIPUU (Hippolyte), Anne-Catherine GILLET (Aricie), Stéphane DEGOUT (Thésée), Sarah CONNOLLY (Phèdre), Jaël AZZARETTI (l'Amour), Salomé HALLER (Oenone), Marc MAUILLON (Tisiphone), Aurélia LEGAY (Grande Prêtresse de Diane, une Chasseresse), François LIS (Pluton, Jupiter), Aimery LEFEVRE (Arcas, Deuxième Parque), Andrea HILL (Diane), Nicholas MULROY (Première Parque), Manuel NUNEZ CAMELINO (un Suivant de l'Amour, Mercure), Jérôme VARNIER (Troisième Parque), Sydney FIERRO (un Chasseur)
ORCHESTRE et CHOEUR LE CONCERT D'ASTRE, dir.: Emmanuelle HAÏMIvan ALEXANDRE (mise en scène), Antoine FONTAINE (décors), Jean-Daniel VUILLERMOZ (costumes), Hervé GARY (lumières), Natalie VAN PARYS(chorégraphie), Olivier SIMONNET (réalisation DVD)
2014-174'-NTSC System- 16.9- 2 DVD 9- Stereo PCM 2.0/Dolby Digital 5.1- sous-titre français, anglais-chanté en français-ERATO 08256 462291 7 8

Il était bon que, pour fêter le 250e anniversaire de Rameau, mort à Paris le 12 septembre 1764, l'on célébrât glorieusement un musicien de génie (à deux ans près, exact contemporain de Bach, Haendel et Domenico Scarlatti) qui a si fort marqué son temps et la postérité. Parmi les diverses productions d'opéra, notamment Castor et Pollux de Barrie Kosky (cf chronique du 17 octobre, Lille), concerts et expositions, un DVD de la merveilleuse représentation d' Hippolyte et Aricie (cf nos comptes-rendus de Toulouse et Paris de l'époque) vient couronner en beauté cette célébration. Passer du grand volume de Garnier au petit format du DVD est un exercice de haute voltige à la fois contradictoire et bénéfique... Contradictoire parce que le spectacle se trouve comprimé, saucissonné par les plans, par un montage assez systématique, par le format de l'oeil de la caméra, les approches multipliés, diversifiant les scènes et de ce fait attirant l'attention sur un décor, un personnage, sur sa diction, son comportement, ses passions. Mais bénéfique tout autant puisque cette vision rapprochée permet de mieux lire les physionomies, l'évolution des affects, l'expressivité des acteurs et, en ce qui concerne les ballets, de mieux apprécier les attitudes du corps et mouvements des jambes, des bras, des doigts, en leur quintessence. Alors, si le souvenir des représentations toulousaines et parisiennes demeure intact, ce DVD permet de revivre le véritable enchantement qui nous étreignait il y a deux ans. C'est que tout, ici, est magistralement traité -avec tact, discrétion et goût parfait : mise en scène (Ivan Alexandre) intelligente et belle, décors (Antoine Fontaine) simples mais parfaitement dans l'esprit des gravures du temps, camaïeux de bois de rose, ors cuivrés, velours ponceau ou gorge de pigeon, débauche de taffetas changeants et satins brochés qui prennent à ravir les lumières de la rampe du dessous (costumes de Jean-Daniel Vuillermoz), magie des lumières d'Hervé Gary (on se souvient avoir vu la scène lumières éteintes, tous les costumes soudain ternes, gris, privés de cette habile et indispensable parure de lumière). Enfin, la chorégraphie légère, aussi précise et élégante que des danses balinaises, vivante en diable (Natalie Van Parys) retrouvant d'instinct les différentes variations saltatoires de l'époque, sans anachronisme mais réglées au cordeau. Vifs applaudissements mérités ! Jusqu'aux maquillages dont on apprécie le détail à l'exception d'une Phèdre à la physionomie parfois caricaturale plus proche d'un effrayant acteur No ou d'une sorcière de Walt Disney que d'une épouse bafouée. La direction musicale n'est pas moins réussie. Certes Emmanuelle Haïm se montre à la fois nerveuse et incandescente. Sa battue rigoureuse, voire cassante, où le corps entier se débat, où les poings fermés traduisent une volonté contraignante, peut surprendre. Mais elle est parfaitement efficace et ses Choeurs et Orchestre « Le Concert d'Astrée » l'ont totalement assimilée pour nous donner une vision chaleureuse, contrastée et fort poétique de la partition (les solos des bois, par exemple) qui fait merveille , tout spécialement dans les passages purement instrumentaux (où les « rossignols amoureux » du Ve acte se font naturellement acclamer). Tous les chanteurs sont remarquables tant dans leur jeu que leur chant, dominés par la stature empreinte de noblesse, de sensibilité (« Je ne te verrai plus » : admirable !) et de musicalité du Thésée de Stéphane Degout.
Indispensable !
Bénédicte Palaux Simonnet

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