Un bon spectacle de base

par

La Traviata - Sabina Puértolas (Violetta Valéry)

Reprise d'une production de mai 2012, fidèle au concept de base de l'Opéra Royal de Wallonie : monter des oeuvres du grand répertoire avec de belles voix et une mise en scène lisible. La Traviata est, avec Rigoletto, sans doute l'oeuvre la plus souvent représentée de Verdi; les solistes, pour n'être pas des stars, étaient bien distribués, et Stefano Mazzonis de Pralafera n'a pas son pareil pour présenter l'opéra italien dans un langage scénique actuel,  sans prétentions inopportunes. Il s'agissait donc d'une Traviata idéale pour néophytes et autres débutants dans l'art lyrique. On pouvait d'ailleurs remarquer ce dimanche la présence de très nombreuses familles avec enfants dont certains fort jeunes, ce qui est toujours gai. La scène liégeoise, sous l'oeil voyeur d'un trou de serrure, est parsemée de lits de tailles diverses et de fleurs (des camélias, bien sûr). Costumes conventionnels de Kaat Tilley, mais lumières envoûtantes de Franco Marri et Michel Stilman, qui ont en particulier bien réussi le dernier acte, grotte somptueuse prête à engloutir Violetta au seuil de la mort. La direction d'acteurs, assez ferme dans les actes intimes, avait un peu tendance à se relâcher lors des fêtes chez Flora, où chacun était laissé à lui-même. Les ballets, par exemple, manquaient d'intensité et d'éclat. Et Alfredo, trop raide, aurait pu être plus encadré. Vocalement, Davide Giusti (29 ans !) chantait un joli Alfredo, amoureux plus policé que passionné, par manque de puissance sans doute. Le baryton roumain Ionut Pascu a rapidement pris de l'assurance pour camper un Giorgio Germont qui a su trouver l'équilibre entre sévérité et tendresse, tant envers Violetta qu'envers son fils (air "Di Provenza il mar", avec cabalette). Brillante Flora d'Alexise Yerna, sonore Baron Douphol de Roger Joakim, touchante Annina de Laura Balidemaj et grave Docteur Grenvil d'Alexei Gorbatchev. Mais - comme pour Carmen - dans La Traviata, c'est le rôle titre qui fait la réussite de l'opéra : rôle exigeant, car il faut s'y montrer aussi brillante qu'émouvante. La jeune soprano italienne Maria Teresa Leva, malgré de beaux sons filés, n'a pas encore cet éclat particulier qui rend justice à la grande scène du premier acte ("E strano"). Par contre, elle a su toucher le coeur d'Alfredo, et celui du public, tant dans un admirable "Amami, Alfredo", que dans ses adieux du dernier acte. L'orchestre, sous la direction de Francesco Cillufo, qui faisait ses débuts in loco, a semblé moins concerné que d'habitude (fâcheux décalages au début du ballet) et surtout terne, ce qui a souligné certaines platitudes de l'écriture. Heureusement, les ensembles étaient réussis, et le concertato final du III a déchaîné l'enthousiasme. Signalons enfin la petite coquetterie du metteur en scène, dont on a reconnu la voix lors de la lecture de la lettre de Germont au dernier acte.
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 22 mai 2016

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