Une première attendue et réussie pour Speranza Scappucci

par
Manon

© Lorraine Wauters / ORW

Manon Lescaut de Giacomo Puccini
Stefano Mazzonis di Pralafera a tenu son pari : après celle de Massenet, puis celle d'Auber, voici la troisième Manon du répertoire, le premier succès du jeune Puccini (1893). Contrairement à la mise en scène de Mariusz Trelinski à La Monnaie, en janvier 2013, froide et sans âme, le maître des lieux a joué, à juste titre, la carte amoureuse passionnée, en cela bien aidé par des solistes très investis. Loin de la Manon "poudrée" de Massenet, dont Puccini voulait absolument se démarquer, l'action se déroule dans des décors (Jean-Guy Lecat) et des costumes (Fernand Ruiz) fin XIXème, très soignés. Ainsi le salon de l'acte II, avec escalier central, était-il du plus bel effet, tout comme, à l'acte suivant, le sombre navire emmenant les prostituées en Amérique. Excellente direction d'acteurs aussi, serrant l'action au plus près. Seul l'acte final, en Louisiane, au décor cette fois bien banal, accusait une légère baisse d'intensité. Dommage, pour une production remarquable jusque-là. Magnifique couple central, qui se présentait pour la première fois à l'Opéra Royal de Wallonie. Familière des rôles dramatiques (Abigaille, Odabella, Lady Macbeth, Turandot), Anna Pirozzi a témoigné de son aisance et démontré la puissance de son chant dans le célèbre "In quelle trine morbide", puis dans le duo incandescent de l'acte II "Tu, tu, amore ? Tu ?". Ce duo a d'ailleurs marqué l'apogée de son chevalier Des Grieux. Un peu criard au premier acte, le ténor sicilien Marcello Giordani, un habitué du MET, a superbement chanté ce duo, qu'on a dit influencé par celui de Tristan. Mais son chant "tutta forza" a pu lasser, à la fin. Rôle un peu ingrat, le vieux barbon de Géronte a permis de retrouver l'une des plus belles voix belges, Marcel Vanaud, en très grande forme, tant vocale que théâtrale. Le baryton roumain, Ionut Pascu, voix ample et d'une belle présence scénique, incarnait Lescaut, personnage intéressant. Alexei Gorbatchev, Patrick Delcour ou Alexise Yerna témoignaient de la solidité de la troupe liégeoise. Yerna a chanté un adorable petit madrigal, bijou délicat provenant de l'Agnus Dei de la Missa di Gloria de 1880. Comme d'habitude, les choeurs étaient parfaitement préparés par Pierre Iodice. Très attendue, Speranza Scapucci, signait ici sa première apparition en tant que chef principal attitrée de l'ORW-Liège. Découverte lors de la production du Jérusalem de Verdi l'an dernier, elle a prouvé sa formidable adéquation avec l'opéra italien, et fait ressortir l'extraordinaire orchestration de Puccini, toute de finesse mais de brillance aussi, ce dont a clairement bénéficié le plateau vocal. L'ORW a clairement bien choisi, et le public se réjouira de l'applaudir à nouveau dans Carmen en janvier/février 2018. Signalons enfin que la maison offre en cadeau aux spectateurs le n° de septembre de la revue italienne l'opera, tout entier consacré à la nouvelle saison de l'ORW, textes en italien et en français.
Bruno Peeters
Opéra Royal de Wallonie, Liège, le 19 septembre 2017

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